interview

Remontons dans l’histoire musicale des Stranglers avec Jean Jacques Burnel, membre originel de la formation de Guildford (UK).

Figures emblématiques du punk, les Stranglers ont déconstruit un genre musical souvent réduit aux contraintes imposées par l’industrie du disque. Mais surtout, le groupe ne s’est pas limité à faire adhérer un public à un mouvement mais a créé un univers dans lequel celui-ci puisse se reconnaître comme spectateur mais aussi, comme participant.Aucun autre groupe n’a su autant retranscrire l’angoisse d’un futur inconnu. Il est d’ailleurs l’un des rares exemples à pénétrer le circuit très fermé des ondes radiophoniques indépendantes.

Parfois incompris dans le milieu puriste punk, les Stranglers ont dépassé les stéréotypes d’un genre musical bien trop souvent caricatural.

Les lecteurs de l’Oreille à l’envers apprécieront cette interview rétrospective en compagnie d’un musicien légendaire dont l’inspiration exponentielle ne cesse de surprendre avec la livraison d’un nouvel album considéré comme le plus abouti de la discographie pléthorique du groupe.

Comment vois tu le parcours du groupe, il semble qu’au début vous étiez mal acceptés en raison de la présence d’un clavier au sein de la formation ?

Au tout début, je me suis identifié aux punks puis il y a eu une cassure avec le mouvement, on s’est détachés et on a préférés ne suivre aucune mode, de faire à notre façon, on avait le droit de ne pas suivre une orthodoxie, ce n’est pas une si mauvaise chose que cela, d’évoluer musicalement. On a préféré ne pas suivre une trajectoire unique, stérile et on a choisi la liberté.

En 1977, vous chantiez  » No More Heroes » Pensez-vous qu’il nous reste des héros aujourd’hui ?

Je crois que tous les héros qu’on adoptent sont faillibles. Le problème c’est que l’on sait tout sur tout, c’est difficile à cacher cette part de faiblesse, les héros ont toujours des jambes en argile, ils sont fragiles. Je viens de finir un livre sur Alexandre Le Grand, il était lui aussi faillible. Dès qu’il y a une révolution, les gens veulent recommencer à zéro, et donc une partie de l’histoire est perdue. En 1976, pour nous aussi, c’était une révolution, c’était l’année zéro, on étaient un peu naïfs mais c’était un bon slogan. Les héros cités dans ce titre, sont des anti-héros.

Peut-on parler de pure coïncidence ? Votre rencontre avec Hugh Cornwell est digne d’une anecdote d’un road movie ? Pouvez-vous justement nous raconter comment avez-vous fait connaissance des futurs membres des Stranglers ?

Je rentrais d’une séance de karaté, dans ma camionette et j’ai rencontré un auto-stoppeur, un chanteur Américain venu de Suède, où travaillait Hugh dans un groupe de Rhythm and blues, ils sont venus en Angleterre et ont rencontré Jet Black comme batteur qui vivait au dessus d’une cave d’alcools, chose très dangereuse, ce soir là donc je dépose l’auto-stoppeur qui m’invite à boire une bière, j’ai donné mon adresse à Hugh car quinze jours plus tard, il est venu frapper à ma porte. Il m’a proposé de remplacer leur bassiste, et quelques semaines plus tard, je m’étais blessé lors d’une compétition de karaté, j’arrive à la première répétition le bras en écharpe et c’est comme ça qu’on a commencé tous les trois.

Comment expliquez-vous la longévité du groupe ? Vous considérez-vous comme un survivant ou est-ce le fait d’un déterminisme lié à la musique ?

Je suis resté fidèle à l’esprit de ce qui fait l’unité du groupe, je ne veux pas perdre cette essence, la musique n’est pas un job, c’est une mission pour moi, j’avais en fait toujours quelque chose à prouver au public Anglais. J’essaie de garder tous mes sens ouverts. Si déjà c’est un succès de pouvoir gagner sa vie avec la musique, ce qui n’est pas le but au départ, c’est un bonus pour pouvoir poursuivre à composer.

C’est ce que j’aime chez les Stranglers, c’est que chaque disque a plusieurs facettes, multiples et uniques à la fois.

Tu sais chacun est unique, je me demande comment ça se fait que les choses qui sortent de ces personnes uniques, se ressemblent autant, je parle spécifiquement de la musique. Beaucoup de choses finalement se ressemblent. Mais, tu changes le look mais musicalement c’est la même chose. Il y a des gens qui poursuivent le succès, en restant dans une zone de confort. Je ne suis plus le jeune punk d’autrefois, mais je tiens vraiment à produire un reflet de ce que je suis, sinon c’est la queue qui remue le chien et non l’inverse, je veux être le chien qui remue la queue !

Votre premier album solo « Euroman Cometh » est toujours d’actualité et surtout visionnaire

C’est ce qu’on me dit de temps en temps, et ça fait plaisir. Peter hook de New Order le cite souvent. J’expérimentais à cette période, ça faisait partie de ma psychologie. Je ne suis pas Britannique, je suis Français techniquement, je fais partie d’une diaspora né à l’étranger, mais je suis un Européen.

Justement ce disque est un concept face à l’hégémonie Américaine et n’a pas vieilli d’un iota

Ho merci, je le prends comme un sacré compliment ! J’essayais de faire de la musique de manière presque primitive, la technologie ne remplace pas l’inspiration. C’était une période moins dictée par la dictature commerciale, il y avait quelque chose de pur.

Quels titres allez-vous jouer pour cette tournée en France ?

Je vais essayer d’interpréter la folie sur scène, j’ai répété trois titres en Français. Je fais partie de cette diaspora Française née à l’étranger, j’ai la double nationalité, mais je suis attaché à ce pays. Avec le confinement, on a dû annuler pas mal de dates à l’étranger : l’Italie, la Norvège, la Suisse. L’année prochaine, on tournera au Japon, aux Etats-Unis. Le public est impatient de nous retrouver. Avec « Dark Matters », il y a une forte attente de la part de la jeunesse. On répète beaucoup, avec un répertoire d’une quarantaine de titres. On a une set-list qui varie à chaque concert, je n’aime pas répéter les mêmes choses !
(interview réalisée par Franck Irle)
(@photos : Colin Hawkins)

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