reportage

Dire que j’ai attendu avec impatience l’édition 2021 du festival Superwood est un euphémisme. Non seulement car c’est un de mes festivals préférés tout court mais aussi car c’est mon premier festival depuis la pandémie ! Surtout que le suspens fut à son comble jusqu’au dernier moment : le festival aura-t-il lieu ? Est-ce que l’Etat finlandais va lever les restrictions pour les événements culturels ? Devrons nous attendre 2022 pour revivre ? (Superwood – Octobre 1-3, 2021 – Helsinki – Finlande) (Report par Gwenaëlle Bauvois)

Pour notre plus grand bonheur, les restrictions ont été levées le jour même où ouvrait Superwood et il va sans dire que le public était fin prêt pour en profiter à fond. Cette édition 2021 s’est tenue dans son lieu habituel, Rantapuisto – l’imposant hôtel construit en 1963 au bord de la mer Baltique.

On y arrive par métro en passant par une banlieue somme toute assez banale mais dès que l’on pousse la porte de l’hôtel, on est ailleurs. On sait que l’on va passer un moment complètement hors du monde, déconnecté du quotidien.

Je prends mes quartiers dans la chambre et la magnifique vue sur la mer fait immanquablement son petit effet. Il est temps d’aller tout tranquillement vers le premier concert qui se tient dans la salle des fêtes, toute tapissée de bois avec de larges baies vitrées donnant sur la plage et dotée de délicieux détails architecturaux très sixties.

Le groupe qui inaugure ce Superwood 2021 se nomme HELSINKI PANIC, déjà le nom me plaît. 5 petits jeunes (oui j’ai l’air d’une vieille peau en disant ça mais ils ont à peine l’air majeur) qui délivrent un rock punk sympathique. Je me dirige ensuite vers l’auditorium pour écouter GHOSTS ON TV (décidément ces groupes finlandais sont doués pour trouver de bons noms). Avec leurs guitares, ces 6 garçons créent un véritable mur de son qui emplit la salle de leur musique minimaliste et hypnotique. Leur ambitieux premier album sorti en 2020 « I Am Not Dead, I Am 55 Today » est entièrement instrumental avec un morceau inaugural qui dure… 30 minutes.

Quand la nuit tombe, le moment le plus attendu du festival arrive alors : le fameux Woodtour où le public est amené dans la forêt pour une série de concerts-performances. Le problème cette année est qu’il y avait trop de monde et il était difficile de s’approcher des artistes. Pourtant il y avait de quoi être ravi ! Les tableaux se succèdent, plus étranges les uns que les autres : Tommi Lindgren, chanteur de Don Johnson Big Band (groupe phare du début des années 2000), performe enterré dans la forêt avec juste la tête qui dépasse; Laura Närhi, la chanteuse de Kemopetrol (autre groupe phare) apparaît en ange dans une petite maison en bois; Samuli Putro, ex chanteur de Zen Café (aussi groupe phare) joue dans le coffre d’une voiture vintage; et les chanteuses a capella de Tuuletar (on peut entendre une de leur chansons dans Games of Thrones) nous envoûtent, attachées aux arbres. Le clou du spectacle étant Marita Taavitsainen, la fameuse ‘Reine du Tango’ 1995 (oui, une reine et un roi sont élus tous les ans en Finlande car on ne plaisante pas avec le tango ici !) chantant sur un rocher habillée en sirène. Sans oublier l’écrivaine Anja Snelmann qui nous a invités à nous bander les yeux pour une déconcertante séance de méditation accompagnée de guitare électrique.

Après toutes ces aventures dans la forêt, il est grand temps de se mettre au chaud pour finir la soirée dans la boîte de nuit de l’hôtel, et rien de tel pour réchauffer l’ambiance que le chanteur-auteur-compositeur-homme orchestre, RISTO. J’ai vu Risto sur scène un nombre incalculable de fois mais peu importe, avec lui on sait que l’on va toujours passer un bon moment. Figure incontournable de la scène indie depuis 2004, Risto peut mettre la salle en feu à lui tout seul, avec juste un synthé. Le mec a une énergie folle et le public le lui rend bien, quand il joue son tube « Discopallo » (Boule à facette) on ne tient plus personne et la température monte subitement. Risto est vraiment un artiste inclassable et même sans comprendre les paroles, on ne peut que se laisser emporter par sa douce folie. Après tant d’émotions, un dernier verre et hop au dodo. Demain est un autre jour.

Après une bonne nuit de sommeil, un copieux brunch et une longue balade sur la plage, nous voilà revigorés pour une nouvelle journée. On commence par MIDSOMMAREN (Nuit de la Saint Jean en suédois, oui presque comme le superbe film d’horreur d’Ari Aster ), qui joue du rock en suédois; puis SAARET (Îles en finnois) qui mélangent instruments classiques, synthétiseurs et guitares. On continue avec GIM KORDON. Le groupe a donné son premier concert en 2012, en première partie de la légendaire Kim Gordon, leur nom étant naturellement un hommage à la grande dame du rock. Difficile de ne pas sourire et danser en écoutant ce groupe à l’énergie communicative, ils nous ont même gratifié d’une reprise de « Incinerate » en finnois. Que demander de plus ?

Presque 5 heures de l’après-midi, l’heure idéale pour aller en boîte de nuit pour écouter le duo électro CONSTRUCTION. Ces deux-là ont un profil pour le moins intéressant : à la basse Marko Ahtisaari, designer et fils d’un ancien président finlandais, et à l’ordi et au chant Nadya Peek, professeur d’université et ancienne chercheuse à MIT, excusez du peu. Leur premier EP « We’re Great. Thanks for Asking » (2020) a été produit par Pat Dillett (David Byrne, Brian Eno, St. Vincent…), excusez toujours du peu. Leur musique fait mouche, très ‘technologique’ donc relativement froide à l’oreille, elle est en même chargée émotionnellement.

La fin de la soirée pointe son nez avec un des concerts les plus attendus : TEKTI-TV 666, qu’on pourrait traduire par Télétexte-666 donc Télétexte sataniste. Disons le franchement, TEKTI-TV 666 est l’un des meilleurs groupes live finlandais. On peut dire qu’il envoie du gros son avec non moins de 5 guitaristes. Depuis que cette pandémie nous a privés de concerts, de musique, de frissons, c’est la première fois que je ressentais le pur bonheur d’un mur de guitares qui fait vibrer le corps tout entier. Le groupe et le public se sont lâchés dans une explosion libératrice et ça a fait un bien fou.

Dernier concert, de retour dans la boîte de nuit pleine à craquer pour YEBOVAH. De son vrai nom Rebekka Aili Kuukka, Yeboyah est une rappeuse qui s’est lancée dans une carrière solo après avoir fait partie du collectif fémimin D.R.E.A.M.G.I.R.L.S, que j’avais eu la chance de voir sur scène il y a quelques années. Son EP Elovena lui a valu une nomination aux Victoires de la musique finlandaises en 2019 et elle vient juste de sortir son premier album en septembre dernier. Yeboyah a clairement une belle présence scénique et une énergie qui électrise le public. Une bonne prestation pour finir ce weekend en beauté.

Le festival Superwood ce n’est pas que la musique – loin s’en faut – il y a aussi des boutiques, des projections de films, des expositions d’art et même du sport pour les plus courageux. J’ai particulièrement aimé le Confessionnal, un projet de TARU SAMOLA ayant compilé les confessions les plus intimes d’inconnus, le tout récité par LA grande actrice finlandaise, Kati Outinen (pensez aux films de Kaurismäki comme « Au loin s’en vont les nuages »). Et cela va sans dire que le défilé de mode au bord de la mer de IVANA HELSINKI, la marque de la créatrice PAOLA SULHONEN à l’origine de Superwood et de VIMMA, fut un pur bonheur pour les yeux.

Ce cru 2021 a donc été exceptionnel, d’autant plus que nous avons été privés pendant trop longtemps de la joie de se retrouver ensemble autour de la musique, et c’est à regret que je quitte cette bulle enchantée. Adieu Superwood, rendez-vous dans un an. Sans faute !
(chronique et photos par Gwenaëlle Beauvois)

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