reportage

Flow, le festival plus attendu de Finlande s’est tenu le weekend du 11 au 13 août à Helsinki sous un soleil radieux. Plus de 30 000 personnes se sont réunies pour écouter aussi bien de l’électro, que du jazz, du rock et de l’afro beat ! l’Oreille à l’envers y était pour vous faire partager les moments forts de cet événement. (Flow Festival / du 11 au 13 Août 2023 / Helsinki-Finlande) (Report par Gwenaëlle Bauvois)

La programmation 2023 n’était peut-être pas aussi attrayante que l’année dernière mais ce fut l’occasion de découvrir de nouveaux artistes et de voir ou revoir des groupes confirmés.

Vendredi 11 Août 2023
La tête d’affiche du vendredi était Suede , un des grands noms de la britpop des années 90 que l’on ne présente plus. Voir Suede a de quoi rendre nostalgique tout quarantenaire mais bien sûr cela n’est pas assez pour donner un bon concert. Heureusement, Suede reste un groupe solide et Bret Anderson n’a rien perdu de sa superbe ni de son énergie à 55 ans. Le chanteur a donné une performance de haut calibre, mouillant (littéralement) sa chemise et chantant avec une voix étonnamment puissante. Je les avais déjà vu en festival il y a quelques années mais ce fut de nouveau un plaisir de les retrouver sur scène, leurs tubes font toujours leur effet sur le public et me sont restés en tête plusieurs jours après leur concert.


(Flow festival – Suede ©photo : Riikka Vaahtera)

Mais après ce retour enthousiasmant vers les années 90, le reste de la soirée a été consacrée à des artistes plus émergents, comme la rappeuse américaine 070 Shake. Elle s’est fait remarquer toute jeune par Kanye West (qui pour une fois a eu bon goût…) et Pusha T qui l’ont signé sur leur label en 2019. Elle a depuis fait des featuring avec nombre d’artistes comme Swedish House Mafia, Madonna, ainsi que Christine and the Queens sur leur morceau True Love. D’ailleurs, pas sûr que le terme de rappeuse soit vraiment approprié à 070 Shake. Certes elle sait très bien rapper, mais dès son premier album Modus Vivendi en 2020, son son penche plus vers l’ambient, avec des rythmes lancinants. Seule sur scène buvant une bouteille de vin rouge (pas très gangsta rap), 070 Shake s’est révélée captivante, à écouter et à regarder. Difficile d’expliquer vraiment pourquoi mais la magie a opéré. 070 Shake a ce supplément d’âme et cette présence qui sont difficiles à décrire mais qui marquent. Et c’est bien cela qui manquait à une autre rappeuse, anglaise cette fois-ci, Shy Girl. Le mélange de rap et R’n’B avec de la club music paraît intéressant à première vue mais au-delà, l’ensemble était un peu plat et parfois sirupeux. Son single Shlut est certes efficace  et a fait chalouper la foule mais Shy Girl n’a pas apporté grand chose de nouveau.


(Flow festival – 070Shake ©photo : Samuli Veinola )


(Flow festival – Shygirl ©photo : Samuli Veinola )

Autre tête d’affiche en ce vendredi soir : Wizkid, un des grands noms du R’n’B nigérien. Un choix un peu particulier car l’année dernière nous avions déjà eu la prestation d’un autre grand nom de la musique nigérienne Burna Boy (qui soit dit en passant était nettement meilleur). Le monsieur s’est fait un nom après avoir collaboré avec Drake et a depuis travaillé avec Beyoncé, Femi Kuti, Justin Bieber et a gagné un grammy. Spectacle garanti avec DJ, fumigènes, flammes, jet d’eau (pas très écolo), tenue en moumoute blanche et gros diamants qui brillent. Est ce que Wizkid sait faire le show ? Oui. Est-ce excitant et original ? Pas vraiment.

(Flow festival – Wizkid ©photo : Samuli Veinola )
Samedi 12 Août 2023
Le samedi commence dans la joie et la bonne humeur avec Arp Frique sur la formidable Balloon Stage. Le nom Arp Frique fait référence au son des synthés Arp et à « Le Freak » de Chic. Un mélange coloré et réjouissant d’Afro beat, de rythmes caribéens, de funk et de disco, un excellent groupe live qui fait de la vraie bonne musique à l’ancienne et qui est capable de faire danser même ceux qui n’aiment pas danser.

(Flow festival – Arp Frique Family ©photo : Gwenaëlle Bauvois)

La journée continue sous les meilleurs hospices avec un groupe cultissime qui fête ses 40 ans d’existence : DEVO. Quel plaisir de voir sur scène ces vétérans de la musique, ces pionniers qui ont maintenant plus de 70 balais et qui tiennent une forme olympique. Tout au long du concert les visuels étaient excellents, ce qui paraît évident pour DEVO qui sont aussi des pionniers de la vidéo. Ce fut tout de long un spectacle joyeux et réjouissant et on se sent privilégié de pouvoir assister à un concert d’un groupe aussi cultissime.

(Flow festival – DEVO ©photo : Riikka Vaahtera)

On passe ensuite à tout autre chose avec le rappeur américain Pusha T, autre artiste de l’écurie Kanye West signé en 2010 sur son label GOOD Music et dont il devient même le président avant que les deux rappeurs s’embrouillent. Après 15 interminables minutes d’un DJ hurlant “Are you ready?????”, nous étions effectivement prêts, chauds et bouillants, pour le vétéran du rap – 30 ans de carrière derrière lui tout de même. Pusha T nous a gratifié de son flow impeccable avec une prestation sobre et maîtrisée.
Autre tête d’affiche du festival de ce samedi, la chanteuse néo-zélandaise Lorde qui avait fait sensation avec son premier album Pure Heroine déjà sorti il y a 10 ans. Elle n’avait alors que 16 ans et avait été adoubée par la critique et des artistes comme David Bowie voyait en elle “le futur de la musique”. Il va sans dire que cette fille a un grand talent et Pure Heroine reste un petit bijou electro pop. Mais le problème pour la jeune chanteuse a été de rebondir après un tel succès et ses albums suivants n’ont pas connu le succès de son opus original. Son deuxième album Melodrama en 2017 a été bien reçu par les critiques mais n’a pas eu le même succès commercial et son dernier album Solar Power en 2021, produit par Jack Antonoff connu pour sa Bubblegum pop n’a pas vraiment convaincu.

Lors de son concert de plus d’une heure et demie, la chanteuse désormais souriante, blonde et vêtue d’un juste au corps mauve, a quasiment joué toutes ses chansons. Mais on sentait bien une dissension entre ses compositions du début – modernes, originales et pleines de teenage angst – et les nouvelles – plus pop, plus légères, et oserais-je dire,  plus fades. Pourtant, seule en scène, Lorde a bien tenu le choc sur la longue durée, elle a mis beaucoup d’énergie dans sa performance et n’a pas hésité à s’adresser au public en exprimant sa joie d’être là. Donc malgré un ensemble assez irrégulier, c’était un concert agréable avec quelques moments émouvants car Royal, Tennis Court, Glory and Gore et White teeth teens (tous issus de Pure Heroine) restent d’excellentes chansons. Et s’il n’y a pas de photos de Lorde c’est que l’artiste a exigé que les droits lui soient cédés donc beaucoup de photographes se sont rétractés.

Mais le coup de cœur du festival a clairement été Amyl and the Sniffers. Avec un nom pareil ça ne peut être qu’un groupe de Punk ! Et que veut dire ‘amyl’ ? Poppers en argot de Melbourne car oui ils sont Australiens. Et pourquoi poppers ? Car selon eux, leur musique est comme la substance : ça vous monte à la tête pendant 30 secondes et après, ça vous fait mal au crâne. En tout cas, dès que j’entends leur single Guided by Angels,  je ne peux plus me le sortir de la tête. La musique de ce groupe Australien pourrait en surface ne pas paraître extrêmement originale tant ils empruntent aux classiques du punk mais ce qui les font sortir du lot c’est leur chanteuse, Amy Taylor, qui est littéralement phénoménale sur scène, hurlant, sautant, dansant sans une seconde de répit et sachant électriser la foule comme j’ai rarement vu. Une jolie blonde, petite comme une poupée mais avec un accent Australien à couper au couteau et qui hurle des insanités avec une voix nasillarde. Absolument irrésistible ! Probablement une des meilleures performances que j’ai vu récemment et je ne suis pas la seule à penser la même chose.

(Flow festival – Amyl and the Sniffers ©photo : Riikka Vaahtera)

Dimanche 13 Août 2023
Le dernier jour de Flow commence sous les rythmes endiablés de Mauskovic Dance Band qui s’inspirent de divers genres: principalement des styles afro-colombiens tels que la champeta, la palenque, la cumbia, ainsi que l’afro-disco et la scène des producteurs underground d’Amsterdam. Et transition tout en douceur vers la Ballon Stage avec le cool jazz de Valtteri Laurell Nonet qui nous a régalé en cette belle après-midi d’été.

(Flow festival – Valtteri Laurell Nonet ©photo : Gwenaëlle Bauvois)

Un des groupes les plus attendus de ce dimanche était Moderat, un de mes meilleurs concerts à Flow d »il y a quelques années. Comme précédemment, Moderat n’a pas déçu son public avec ce son qui fait trembler physiquement comme émotionnellement. Il y a déjà 20 ans,  Apparat (Sascha Ring) et Modeselektor (Gernot Bronsert et Sebastian Szary), qui comptaient parmi les artistes les plus respectés de la scène berlinoise, ont commencé à faire de la musique ensemble sous le nom de Moderat. Et ils nous gratifient depuis d’une musique électro de haute-volée.

(Flow festival – Moderat ©photo : Sami Heiskanen)

Autre tête d’affiche du cru 2023 : Caroline Polachek, la nouvelle coqueluche de la scène indie grâce à son 4ème album sorti en 2023, Desire, I Want to Turn Into You, encensé par la critique. Pourtant elle n’est pas vraiment une nouvelle venue, elle avait cofondé en 2005 le groupe indie pop Chairlift qui nous avait régalé avec leur charmante chanson ‘Bruises’ (que perso je connais par coeur). Elle a également collaboré avec Blood Orange, Fischerspooner, Sbtrkt, Christine and the Queens, Charli XCX, Grimes et écrit pour Beyoncé. Sa pop se révèle sophistiquée, ironique et inventive, et son univers très léché esthétiquement, ce qui en fait une artiste tout à fait rafraîchissante. Mais était-ce un bon choix pour la scène principale, en plein jour ? Pas vraiment. L’environnement ne se prêtait pas particulièrement à une chanteuse comme Polachek et malgré ses efforts, l’ensemble n’a pas vraiment imprimé.

(Flow festival – Caroline Polachek ©photo : Konstantin_Kondrukho)

Un des concerts que j’attendais le plus était celui de Christine and the Queens. Après la sortie acclamée de son premier opus Chaleur humaine en 2014 et depuis sorti trois autres albums, l’artiste a changé de noms plusieurs fois et a collaboré avec une pléthore de noms prestigieux. Après le très dansant Chris en 2018 et le upbeat Les adorables étoiles (prologue) en 2022 sous le nom de Redcar, Christine and the Queens revient en 2023 avec Paranoia, Angels, True Love, beaucoup plus introspectif, émotionnel et sombre. Ce nouvel opus, le plus ambitieux de l’artiste, est de nouveau acclamé par le critique malgré la très notable différence vis à vis de ses œuvres précédentes. Pour sa prestation à Flow, c’est une arrivée sur scène dans un décor fantomatique peuplé de statues et sa présence magnétique qui vous étreint immédiatement. L’artiste détonne avec son allure androgyne poussée au maximum avec un pantalon noir et un simple gilet de costume ouvert sur sa poitrine dénudée et surprend avec sa voix, beaucoup plus puissante que je n’aurais imaginé. Après une chorégraphie endiablée, le gilet de costume tombe et l’artiste continue le reste de son concert poitrine nue, tenue agrémentée au fil du concert par une large jupe en taffetas rouge puis une veste aux ailes d’ange. Impossible de détacher son regard de cette créature qu’est Christine, à la fois captivante et dérangeante. Pendant une heure, pas un seul mot pour le public, Christine and the Queens c’est plus une performance artistique qu’un concert classique. On peut facilement admettre que cette intensité et cette théâtralité poussées au maximum soit vue comme mélodramatique par certains mais le fait est que personne ne peut rester indifférent face à Christine and the Queens car s’il y a bien quelque chose que Christine n’est vraiment pas, c’est fade.

(Flow festival – Christine And The Queens ©photo : Riikka Vaahtera)

L’apothéose du festival était évidemment Blur qui fait son grand retour cette année avec le nouvel album The Ballad of Darren et une série relativement restreinte de concerts en Europe. La foule était évidemment au rendez-vous pour cet événement musical. L’année dernière Flow avait reçu Gorillaz avec un Damon Albarn en très grande forme qui nous avait offert un show de haut calibre. De nouveau, après Suede, le festival a joué la carte de la nostalgie avec ce groupe phare de la Britpop des années 90 mais il n’y a aucune raison pour bouder son plaisir. It’s BLUR ! Après un nombre trop important – à mon goût – d’artistes seuls en scène avec un DJ, c’est un bonheur de faire l’expérience d’un vrai groupe qui joue ensemble depuis des décennies et qui partage la même énergie. Le show a commencé modestement puis tout au long du concert d’une durée d’une heure et demie, le groupe est monté en puissance, alternant leurs tubes planétaires et leurs nouvelles compositions. Il va sans dire qu’entendre live Girls & Boys, Song 2, Park life ou Tender et reprendre en chœur les paroles avec des milliers de personnes est une expérience rare. Albarn a de nouveau prouvé qu’il était non seulement un grand chanteur-auteur-compositeur mais aussi un excellent showman, généreux avec le public et les autres membres du groupe qui semblaient prendre un grand plaisir à être sur scène de nouveau ensemble. C’est un concert qui rend certes un peu nostalgique mais surtout joyeux, léger et young and lovely.

(Flow festival – BLUR ©photo : Sami Heiskanen)

Le concert de Blur a donc été un épilogue idéal pour ce festival Flow 2023, et en cette douce soirée d’été, les jambes et la tête fatiguées, on se dit le sourire aux lèvres qu’on a eu bien de la chance d’être là…

(Reportage : Gwenaëlle Bauvois).

-> Site : https://www.flowfestival.com/
-> Facebook : https://www.facebook.com/FlowFestival

Share

Vous aimerez aussi...