reportage

Remplissant trois soirées de suite l’Olympia à Paris, les Pixies nous prouvent plus de trente ans après la sortie de Bossanova et Trompe Le Monde, albums célébrés ce soir, que malgré le temps qui passe et les bassistes qui se succèdent, le rock alternatif de Boston ne prend pas une ride. Retour sur une de ces soirées qui nous réserve cependant quelques surprises.  
 
Depuis leur reformation en 2004, les Pixies se rendent régulièrement en France pour notre plus grand plaisir. On a souvenir pour les jeunes adultes que nous étions alors de nos premiers concerts au Zénith de Paris et à Rock en Seine à St Cloud, où nous pouvions enfin vivre en live les disques qui ont bercés notre adolescence durant toutes les années 90. Puis ce fut le départ de Kim Deal qui malgré tout ce qui peut être rapporté sur ou contre elle, contribuait bien à l’essence même du groupe, son jeu de basse et son timbre particulier façonnant l’identité Pixies. Fort heureusement, Frank Black, Joe Santiago et Dave Lovering ont su habilement maintenir le cap avec l’arrivée de Paz Lenchantin qui releva brillamment le défi et qui trouva sa place au sein du groupe emblématique. Depuis lors, et malgré une discographie en dent de scie depuis Indie Cindy en 2014, les prestations des Pixies nous ont rarement déçues tant le répertoire regorge de pépites issues de la plus pure tradition du rock alternatif américain.
2023 a à nouveau vu le retour gagnant de Frank Black qui plutôt que de remplir arénas et autres hippodromes ou domaines en festival, se concentra sur la prestigieuse salle de l’Olympia pour deux concerts afin de présenter Doggerel, dernier albums studio en date, accompagné d’une setlist best-of comportant tous les meilleurs titres du groupe. Avec plus de trente morceaux, la joie fut pleine et entière et l’emporta sur le petit côté pépère qu’aborda alors Joe et Frank sur scène.
 
 
Qu’en est-il un an après pour ces trois Olympias à guichet fermés et ce choix de tournée commémorative des albums Bossanova et Trompe Le Monde ? Pour rappel, ces deux disques sortis successivement en 1990 et 1991 ont dû assurer la transition difficile de l’ère dorée de Surfer Rosa et Doolittle, joyaux toujours inégalés à ce jour dans la discographie du groupe. Pour ce faire, une migration de Boston à Los Angeles et un son définitivement plus sombre, avec des morceaux beaucoup moins accessibles mais tout aussi prenants une fois interprétés en live. Loin d’obtenir le succès commercial des deux opus précédents, le choix de construire une tournée sur ces deux disques nous paru alors intriguant. Et pourtant, les trois dates qui affichent complètes depuis des mois semblent nous prouver que rien n’arrête les fans des Pixies.
 
 
L’atmosphère dans la salle du boulevard des Capucines se veut plutôt calme pour cette seconde soirée. Effet de la date du milieu ou retour des mêmes spectateurs de la veille, le premier constat est que l’ambiance dans la fosse comme dans les balcons peinera à décoller réellement. Et pourtant, les Pixies font toujours tout en grand : scénographie à l’image de l’artwork des deux albums, avec ces globes terrestres qui se transforment par la suite en globes oculaires, le « P » ailé emblème du groupe trônant derrière la scène et s’illuminant de nombreuses couleurs, un lightshow digne d’une aréna et un mur du son assez impressionnant plutôt agressif pour les tous premiers rangs de la fosse, rien n’est laissé de côté pour marquer l’évènement. La setlist voit donc interprétés dans leur intégralité et à la suite Bossanova et Trompe Le Monde, évidement sans interlude. C’est donc une heure et vingt minutes non-stop qui défilent. Ce qui nous marque est alors cette cadence bien trop routinière, pour ne pas dire scolaire. Le souci étant que l’on ressent dans ce défilé de titres comme une certaine lassitude parmi les musiciens. C’est une impression de récitation et non d’interprétation qui ressort. Pourtant musicalement sans fautes, c’est un Joe Santiago bien trop sage et un Frank Black bien trop timoré que nous retrouvons sur scène et cet extrême professionnalisme ne permettra jamais de réellement mettre le feu à la salle.
 
Tout Bossanova verra la fosse attentive mais elle aussi peu expressive. Les balcons quant à eux resteront dans un semi-coma tout du long, malgré les efforts d’une poignée de spectateurs qui de ci de là se lèveront de leur siège en velours pour reprendre en chœur les paroles. S’en suit Trompe Le Monde et ses morceaux beaucoup plus punks, où enfin les premiers véritables po-go se font ressentir. Comment expliquer une telle léthargie à un concert des Pixies ? Malgré les excellents morceaux que sont Velouria, Is She Weird, Blown Away et le mythique Stormy Weather, suivis des plus confidentiels mais tout aussi excitants Planet Of Sound, The Sad Punk et Motorway To Roswell, ce qui manque sont les déraillements de Frank Black sur scène. La surinterprétation des morceaux à base de cris et autres hurlements anarchiques que le musicien nous servait jusque-là a totalement disparu. On regrettera également la totale mise à l’écart de la nouvelle bassiste Emma Richardson, au jeu qui n’a rien à envier à ses prédécesseuses mais dont le chant reste imperceptible.
 
 
Vient le temps des rappels et nous aurons ce soir le plaisir d’entendre à nouveau Wave Of Mutilation, Nimrod’s Son, Hey et l’excellent Caribou qui voient enfin un début d’harmonie entre la fosse et les balcons. Malheureusement, tout concert des Pixies sans un Monkey Gone To Heaven est toujours regrettable pour les spectateurs, et cela sera le cas ce soir. Néanmoins, ces derniers morceaux nous aurons rappelé l’excellence du répertoire du groupe originaire de Boston et sa place dans la catégorie des poids lourds du rock indé américain. Le groupe viendra saluer très chaleureusement la salle à la fin du set, affichant enfin des sourires sur les visages et donnant rendez-vous le lendemain soir pour la troisième et dernière date parisienne. S’en suivra plus de dix minutes d’ovation et de cris de la part du public qui ne veut pas quitter la salle mais les appels resteront sans réponses.
Ce concert des Pixies fut à la fois génial et déconcertant, le plaisir de piocher allégrement dans toute leur riche discographie et de surprendre ainsi les fans étant par définition biaisé par le principe du concert commémoratif. On espère alors retrouver une prochaine fois le groupe dans une configuration plus classique tout en appréciant son choix de se produire dans des salles plus intimistes, quitte à dédoubler voire tripler les concerts. Les Pixies restent une valeur sûre et il sera toujours difficile de résister à leur prochain appel.
 
Setlist :
Bossanova :
Cecilia Ann (The Surftones cover)
Rock Music
Velouria
Allison
Is She Weird
Ana
All Over the World
Dig for Fire
Down to the Well
The Happening
Blown Away
Hang Wire
Stormy Weather
Havalina
Trompe le Monde :
Trompe le Monde
Planet of Sound
Alec Eiffel
The Sad Punk
Head On (The Jesus and Mary Chain cover)
U-Mass
Palace of the Brine
Letter to Memphis
Bird Dream of the Olympus Mons
Space (I Believe In)
Subbacultcha
Distance Equals Rate Times Time
Lovely Day
Motorway to Roswell
The Navajo Know
Encore:
Vegas Suite
Wave of Mutilation (UK Surf)
Nimrod’s Son
Hey
Caribou
 
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