chronique

A VOID
/ Album « Dissociation »
/ Sortie le 9 Septembre 2022

// Un certain égocentrisme semble précipiter le monde vers une ruine culturelle prochaine que les médias et journaux embellissent au milieu d’un chaos d’esthétisme détestable, où chaque individu se projette dans une faille virtuelle, s’inventant une existence fantasmée devant un auditoire inexistant, l’émotion n’étant plus qu’un concept désincarné. Fort heureusement le rock remet en mouvement l’instinct primordial du corps, déchaînement, fougue et chavirement. A VOID incarne cette énergie stimulante, ce feeling en roue libre qui s’exonère des subterfuges et de la rigueur disciplinaire comme un moyen de variations d’idées.


(©cover by Dave Shrimpton)

Un premier EP autoproduit en 2016, « Roses As Insides« , amorce d’une ardeur fiévreuse, d’une musique désinhibée, permet au public Parisien de découvrir l’univers de Camille Alexander. Le groupe s’exile à Londres et joue fréquemment dans les lieux les plus undergrounds. Marie Niemiec (batterie) et Aaron Hartmann (basse) consolident la nouvelle configuration et enregistrent le monumental « Awkward And Devastated » en 2018. « Glum city » ou « Eclatée » deviennent instantanément des titres marqueurs des prestations scéniques du trio. Cauchemar des ingés son, comme aime à se définir A VOID, l’esprit DIY jusqu’au-boutiste de Camille s’illustre même au travers de l’artwork et des affiches qu’elle confectionne en parallèle.

Le groupe n’a pas pour autant renoncé à creuser au coeur de ses influences, en renforçant son aspect sardonique, irrévérencieux. Camille affine son phrasé, évoquant celui de Jen Cloher parmi ses contemporains.

« Dissociation » possède tous les attraits de l’album sur lequel on aime s’attarder. On s’enfonce dans le canapé, et on se laisse happer par « Sad Events« , (décliné en deux parties) cet énorme hameçon sonore que le trio a jeté par dessus bord, nous replongeant un instant dans les heures glorieuses des 90’s. « Newspapers » jongle habilement avec le grunge à grand renforts de blasts rythmiques, une libération sonique qui conforte l’idée que le groupe se fout complètement des standards et du sempiternel « c’était mieux avant ».

A VOID est l’enfant d’une époque béante, sans limites, où les pulsions sont expulsées à la croisée des événements. En se délivrant de l’asphyxie générale, le groupe nous offre une perspective tenace comme une tâche d’huile qui contrairement à fluidifier cette mécanique, vient déglinguer les aiguilles du temps.

« Dissociation » est un album sans temps mort, aux multiples thématiques (mise à l’écart de la société, auto-destruction) dans lequel des ellipses constantes, sous l’effet d’une mystérieuse logique, clignotent en bombardements sporadiques.

« 5102 » ou « 2B Seen » sont deux marqueurs d’associations musicales reliant les compositions dans un schéma imprévisible.

Trop de choix et trop peu de raisons de choisir ? A VOID est un élément probant de la scène musicale d’Outre-Manche qu’il faut surveiller de près, et on ne peut que s’enthousiasmer que le trio reprenne la route pour promouvoir leur dernier enregistrement studio.

(chronique : Franck irle)

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