reportage

Imaginez un concert qui n’en est pas vraiment un, où vous pouvez non seulement écouter votre artiste préféré mais aussi discuter directement avec lui pendant plus de trois heures, sans filtre. Cela paraît quelque peu improbable mais Nick Cave l’a fait. Voilà le récit de cette soirée unique le 27 août dernier à la Maison de la Musique d’Helsinki.(Conversations with Nick Cave – Helsinki – Finlande) (Report par Gwenaëlle Bauvois)

Une soirée avec Nick Cave

Tout commence il y a un an quand Nick Cave décide d’ouvrir un site internet “The Red Hand Files” où ses fans peuvent lui poser des questions et auxquelles il répond en toute franchise. Il décide de continuer l’expérience en rencontrant directement son public, face à face, pour une véritable discussion à coeur ouvert. Le succès fut tel auprès du public et ces rencontres si puissantes pour Cave qu’il décide de parcourir le monde pour renouveler l’expérience.

Nick Cave est seul au piano, sans les Bad Seeds, avec des personnes attablées autour de lui à la lumière de bougies, et un public qui pour une fois n’est pas passif mais actif. Il n’y a pas de modérateur, les participants peuvent lui poser toutes les questions possibles et imaginables, des plus profondes aux plus farfelues. Il faut un sacré courage pour un artiste de se mettre ainsi à la disposition de son public.

Plusieurs fois, il applaudit lui-même le courage des gens présents, car selon lui il en faut pour se mettre debout et parler devant une salle archi comble.

Un tel exercice pourrait paraître impudique voire narcissique pour certains, mais c’est en réalité tout le contraire. Il y a chez Nick Cave une véritable honnêteté, oui il le dit franchement, il a besoin de son public.

Il explique que la tournée de son album “Skeleton Tree” lui a sauvé la vie et que ces conversations sont une continuation de cet instinct de survie. Il se nourrit de cette énergie, de cet amour que lui donne son public. Il n’a jamais été avare de sa personne, loin de là, mais on ressentait bien dans sa précédente tournée qu’il se donnait entièrement. Il est en effet impressionnant de le voir toucher et se laisser toucher par son public, de le voir prendre leur main et planter ses yeux dans leur yeux comme si plus rien n’existait autour.

Une personne lui a demandé où il traçait la limite de son espace personnel avec tous ses fans qui se jettent sur lui, qui le touchent, parfois de façon obscène. Il répond que pour lui quand il ressent l’énergie du public, sa propre sécurité n’a pas d’importance. Il met tout de fois un bémol en lançant devant une salle hilare : “Récemment quelqu’un m’a uriné dessus d’un balcon, là je crois que ca dépasse les bornes !”.

Car Nick Cave est drôle, voire très drôle même. Un fan lui demande si ca le touche que certains le voient comme un “miserable bastard” (je vous fais grâce de la traduction…). Il répond que oui ca le touche, qu’il est peut être misérable mais qu’il pense aussi être plutôt drôle.

Je confirme, j’ai beaucoup ri lors de cette rencontre mais on passe très rapidement du rire aux larmes.

Nick Cave évoque évidemment à plusieurs reprises la mort de son fils Arthur, disparu il y a 4 ans, et on sent bien que ces discussions ont pour lui quelque chose de thérapeutique : il s’ouvre aux autres et les autres s’ouvrent à lui dans un dialogue intime.

Quand on lui demande s’il sent qu’il a encore des choses à accomplir en tant qu’artiste et en tant qu’homme de 61 ans, il répond que l’illusion dans laquelle nous nous trouvons en pensant que la vie est un continuum peut être brisée du jour au lendemain. Nous pensons savoir qui nous sommes et ce vers quoi nous tendons mais un drame peut nous détruire et nous devenons alors une autre personne.

Quand Nick Cave se met au piano, avec sa classe habituelle, la grandeur de son talent est encore plus éclatante que lorsqu’il est sur scène avec avec les Bad Seeds (s’il est possible d’être encore plus impressionnant…). Il joue des chansons demandés par le public, comme par exemple, cette petite fille que sa maman “un peu folle” a appelée “Eliza Day” (véridique !) lui demandant de jouer “Mermaids”, ce qu’il accepte de bon coeur.

Il ponctue la discussion de morceaux choisis par ses soins : “Into my arms”, “Weeping song”, et une phénoménale version piano de “Stagger Lee” qui (si cela est encore nécessaire) démontre la puissance de sa voix et cette rage qui l’habite. De plus, il rend hommage à ceux qui l’ont influencé avec des reprises : “Avalanche “ de Leonard Cohen (celui qui lui a changé la vie, comme l’explique Nick Cave lui-même), “Shivers” écrit par Roland Stuart et repris par Nick Cave à l’époque des Birthday Party et l’inattendu “Cosmic dancer” de T Rex.

On ressort secoué et étrangement heureux de cette expérimentation, mélange de concert et de séance de thérapie. Mais avec la vive impression que l’on a participé – non seulement assisté – à quelque chose d’unique et d’inoubliable.

Je ne pensais pas pouvoir aimer Nick Cave encore plus, après tout ce que sa musique m’a apportée et après l’avoir vu sur scène pour le meilleur concert de ma vie, c’est pourtant chose faite.

(Article par Gwénaëlle Bauvois)

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