reportage
Pour rappel, le Cabaret Vert est un festival totalement indépendant et durable depuis 2005. Pas de gros sponsors à chaque coin de scène, une programmation toujours au top mêlant rock, electro, rap, reggae sur les scènes principales et dans les clubs à thèmes.
Mais il n’y a pas que de la musique ! Le Cabaret Vert propose aussi un festival de la bd, du cinéma, des spectacles de rue, des conférences sur le développement durable (omniprésent en ces lieux). Et puis on peut y boire et manger à des prix très raisonnables avec des produits de la région, on y fait de belles rencontres, on se marre, on se détend dans un cadre unique et magique. À chaque fois que nous sommes arrivés au Cabaret Vert, on y découvre un lieu différent car, même si les scènes ont le même nom, le décor change à chaque fois. Une scénographie incroyable nous accueille et l’on découvre un monde nouveau, chaque année avec un regard neuf, un émerveillement toujours inédit. Et cette année, ils ont encore fait fort avec des conteneurs superposés et illustrés par de magnifiques fresques peintes et puis cet arbre rouge immense, dressé comme un totem, un chêne emblématique des forêts ardennaises qui va devenir un symbole permanent du festival, des lampadaires en forme de lampes de bureau aux pieds desquelles on peut s’assoir. Un cadre de verdure éclairé de milles couleurs la nuit tombé, bref un tel endroit n’existe nulle part ailleurs.
Nous sommes arrivés le samedi 24 pour y passer un weekend de dingue. On aurait souhaité faire les quatre jours mais nos disponibilités n’étaient pas de mise. Nous avions donc fait le deuil de voir, notamment, Prophets of Rage, Johnny Marr, Rendez-Vous et The Murder Capital qui nous faisaient bien envie sans compter les découvertes manquées…Toutefois, nous n’avions pas d’inquiétudes quant à ce qui nous attendait.
(©photo : Vincent Gaillard)
James
Cela fait des lustres qu’on n’avait pas écouté ce groupe. On se souvenait surtout de ses disques – les albums « Laid » et « Seven » – qu’on voyait dans les années 90 à la vitrine du petit disquaire de nos années lycée. Des potes nous les avaient copié sur des cassettes et puis pour nous, James, ça s’était arrêté là.
Injustement trop peu connu en France et n’ayant pas eu le soutien médiatique des Blur, Oasis et autre Suede, ce groupe de Manchester a malgré tout suivi une grande carrière et le public était au rendez-vous. Tim Both (le chanteur) est terriblement charismatique et accroche le public dès le premier titre. On reconnait de nombreux titres qui sont de véritables tubes. Il se dégage de ce groupe une indie-pop aérienne, puissante et mélodique et ce fut un vrai régal de les redécouvrir et de les voir sur scène.
(©photo : Marjorie Marty)
L’on déambule un peu ici et là, on se fond dans l’ambiance, une bière régionale bien fraîche à la main, sous la chaleur caniculaire de ce samedi.
Nous regardons un peu The Dunts qui sonne visiblement très rock, à la limite du punk. C’est efficace, les riffs sont terribles mais la chaleur nous pousse à nous retrancher vers la petite scène du Greenfloor où règne un peu d’ombre et se produit au même moment l’enfant du pays Fishbach en mode DJ, arborant un superbe T-shirt de Rimbaud. Alors ok, c’est carrément moins excitant que lorsque nous l’avions vu en concert au même endroit en 2017, mais elle passe de la bonne musique qui sonne très années 80 avec des titres plutôt atypiques. On espère la voir revenir bientôt avec un nouvel album !
(©photo : Vincent Gaillard)
Airbourne
Retour à la scène Zanzibar où s’était produit James. La scène a pris une autre dimension. Murs enceintes Marshall, immense logo Airbourne en fond de scène. Un public en masse devant la scène. Mais c’est qu’ils sont très attendus nos amis australiens. Ça gueule, ça s’impatiente, ça trépigne !
Soudain, la première note retentit (c’était un La si je me souviens bien, je dis ça pour les puristes évidemment) présageant un concert exorbitant !
(©photo : Vincent Gaillard)
La filiation de Airbourne avec AC/DC et Motorhead n’est pas une légende ! Ça sent la poussière sous un soleil de plomb, le hardos à l’ancienne aux relents de bière et de sueur adossé à un hot rod rutilant. C’est explosif et le public bouillonne, l’ambiance est géniale, le groupe hyper motivé et nous en envoie à grosses doses. Un grand moment à voir et à revoir !!!
Décidément, ça monte en puissance au Cabaret Vert. Mais la méga claque n’avait pas encore pointé le bout de son nez. Il faut dire que chaque année on découvre un truc énorme, qui nous laisse sur le cul. En 2017, les Lemon Twigs nous avaient chamboulés, en 2018, IDLES nous avaient perturbés ! Qui pour nous traumatiser en 2019 ?
(©photo : Vincent Gaillard)
Viagra Boys
Voilà les coupables ! Et tu verras après qu’ils ne sont pas venus seuls, les bougres ! Tout droit débarqués de Stockholm, les Viagra Boys arrivent sur scène et on croit à une blague. Sébastian Murphy (le chanteur) file direct à côté de la batterie avec une bouteille de vodka presque vide (ou pas assez remplie, question de point de vue !), s’en enfile une énorme gorgée, décapsule une canette de Redbull et se fait le cocktail dans le gosier. Le premier titre commence, Sébastian entame une dance titubante à deux balles qui excelle de désinvolture, entre « rien à foutre » et « je m’en tamponne le coquillard avec une plume de paon ».
(©photo : Vincent Gaillard)
Musicalement, on accroche instantanément à la rythmique dansante limite Disco, la basse est un vrai moteur rigoureux et inlassable. À cela s’ajoute une guitare sauvage, un saxo déglingué et une pincée d’électronique. On se prend un post punk en pleine face, brutal, désinvolte et c’est un sacré bordel ! Sébastian vocifère entre deux gorgées de bière, déambule entre les musiciens qui ne semblent pas le calculer, s’écroule sur scène et continue à chanter et danser allongé. Parfois, on se demande si il ne s’est pas endormi. Pendant ce temps la musique cartonne, c’est un vrai régal terriblement rock dans toute sa décadence. Puis notre chanteur tatoué se relève et repart dans le délire, taxe des clopes aux photographes et s’installe tranquilou à côté de la batterie pour s’en griller une petite. Une véritable mise en scène punk jubilatoire. Si tu as adoré leur album « Street Worms », ce n’est rien à côté de leur concert, c’est un groupe à vivre absolument, on en sort gentiment choqué et heureux !
Patti Smith
Autre grand moment ! Plus la peine de présenter la Dame, bien que je ne suis pas sûr que tout le monde connaisse son parcours. On la présente souvent comme une icône punk, mais elle n’est pas que ça. Bref, on ne va pas refaire sa bio, juste cela vaut le détour d’écouter certains de ses albums mais surtout de lire ses poèmes, ses livres (au moins « Just Kids ») et de voir ses engagements pour de belle causes… Bon allez, on revient au concert !
(©photo : Marjorie Marty)
C’est donc une Patti Smith en pleine forme qui s’est présentée au Cabaret Vert. Du haut de ses 72 ans, elle a fait un vrai carton enchainant ses grands titres, « Because the night », « Dancing Barefoot », « People have the Power »…et une superbe reprise de « Beds are burning ». Elle nous a enchanté telle une prêtresse chamanique aux incantations lyriques, nous rappelant que les riffs du rock conjugués à la hargne punk expriment encore la révolte d’une génération. Sublime !
(©photo : Vincent Gaillard)
Cocaine Piss
Direction la scène Razorback ! Le Cabaret Vert s’est associé avec ses voisins belges de Liège pour nous ramener la crème du rock transfrontalière. C’est dans le cadre de la « Liège Noise Conspiracy » que l’on découvre Cocaine Piss et c’est là que la claque continue. Un punk rock complètement déjanté, hurlant, urgent, violent, sexy destroy, sauvage. Les plus longs titres font 1 minute 30 à tout casser. C’est complètement barré, presque hypnotique, la folie à portée de mains. On pense aux Lucrate Milk dans la voix.
(©photo : Vincent Gaillard)
Foals
Étonnant ce groupe ! Arrivés devant la scène, on découvre un décor exotique avec palmiers, lions… on se dit qu’on s’est trompé de scène, mais non, du tout.
(©photo : Marjorie Marty)
Foals envoie du lourd, c’est passionnant, violent et sombre dans des genres regroupant l’indie, le shoegaze, le punk, le mathrock. Tout cela donne un rock sophistiqué qui soulève le public et finit bien la journée sur la grosse scène Zanzibar, avec une bonne dose d’énergie dépensée.
Foals, groupe de l’année ? Certainement, avec deux albums sortis en à peine 7 mois d’écart et des prestations scéniques inoubliables !
(©photo : Vincent Gaillard)
It It Anita
Et maintenant… Le coup de grâce ! Également dans le cadre de la « Liège Noise Conspiracy », c’est déjà bien tard dans la nuit que nous retournons à Razorback. It It Anita nous achève. C’est tout bonnement excellent ! À mi-chemin entre Fugazi et Sonic Youth, ils nous balancent des riffs de guitares improbables à la fois oppressants et omniprésents sur une rythmiques indomptables. Ça sent la Noise des 90’s à plein nez et même s’ils n’ont rien inventé, c’est hyper jouissif. Cela oscille entre tension et relâchement, brutalité et subtilité. La prestation scénique est à l’image de leur musique, presque comme une mise en danger, c’est poignant, brut, des ombres dans l’éblouissement, du blafard dans la couleur. On est littéralement engloutis dans une spirale d’énergie qui, une fois de plus, ne nous laissera pas indemne.
Dimanche 25 Août, on va se la faire plus cool pour finir le weekend end. D’ailleurs, le programme s’annonce plus soft pour cette journée. Ça nous laisse aussi le temps de déambuler un peu plus en périphérie des scènes magiques.
D’abord un petit tour au festival de la BD ou une pluie de dessinateurs stars sont venus. Dans un décor de station-service des années 50, on peut boire un verre, discuter avec les auteurs et se faire dédicacer nos BD préférées.
Cette année, il y avait du gratin avec juste pour exemple : Charlie Adlard (Walking Dead), Fred Vignaux (Kriss de Valnor), Jean Bastide (Boule et Bill)…puis une ‘tite virée au « Temps des Freaks » où règnent manèges étranges et spectacles magiques aux différentes facettes fantasmagoriques de l’art de rue, de quoi s’émerveiller tout moment de la journée.
Flânerie bucolique et détente, on est passé en mode hippie en ce dimanche de canicule. Et la musique en avait fait de même.
(©photo : Marjorie Marty)
Steve Gunn
Dans un style folk pop psyché, Steve nous emmène peu à peu dans une spirale vibrante et hypnotique sous les arpèges délicates de ses guitares tantôt folks, tantôt électriques. Une voix douce, apaisante et superbe, de longues plages musicales envoûtantes et délicatement rythmées. On est littéralement absorbés et on ne décroche pas de ses titres qui s’envolent dans l’air brûlant du Cabaret Vert.
Dylan Leblanc
Présenté comme un Neil Young 2.0, hahaha ! Ça nous fait bien rire, est-ce possible ?! Ben en fait oui, c’est possible. Dylan tout comme Steve nous laisse traîner notre spleen dans les grandes plaines du MidWest jusqu’aux longues plages du Pacifique. Une folk-rock éthérée et une voix magnifique. Superbe moment qui termine en beauté notre expérience au Cabaret Vert 2019.
Une fois de plus on rentre chez nous le cœur léger, toujours conquis par le Cabaret Vert. Impressionné aussi par les initiatives et les engagements pour que ce festival soit une référence en matière de développement durable et solidaire et ça se sent, ça se vit, c’est vraiment palpable à tout instant et dans les moindres recoins du festival. Et vraiment bravo à tous les bénévoles qui sont au taquet, toujours souriants, et font en sorte que tout se passe bien. Allez, Cabaret Vert, à l’année prochaine !!!
(Article et photos par Vincent Vince Picozine et Marjorie Marty)
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