chronique

LIESA VAN DER AA
/ Album « Easy Alice »
/ Sorti le 28 Février 2020

// De Belgique, il y a des valeurs incontournables qui viennent à nous régulièrement. La sympathie, les frites, la bière et certains chocolats comme on ne les fait nulle part ailleurs mais il y a aussi et surtout la musique. Et oui ce petit pays est un véritable vivier de créativité et d’ouverture d’esprit pour la musique.

Liesa Van Der Aa fait partie de ces perles rares qui viennent bouleverser ton quotidien. Originaire de Anvers, elle débute le violon à l’âge de 5 ans et côtoie le classique pendant de nombreuses années. Mais le filtre a quand même laissé passer le rock, le funk, le hip-hop et un tas d’autres styles qui ont alimenté les neurones de Liesa et titillé sa créativité débordante.

C’est vers l’âge de 18 ans qu’elle se lance frénétiquement dans des compositions avant-gardistes, audacieuses, presque expérimentales, juste avec son violon qu’elle triture de mille et une façons, un sampler et des pédales d’effets pour parfois arriver à des murs de sons mélangeant force et fragilité. S’ensuit des albums addictifs, multi-styles, des B.O., des live à guichets fermés, une imagerie développée avec la contribution de divers vidéastes. Et ça ne s’arrête pas là ! Liesa peut ajouter à son CV des talents d’actrice, productrice, réalisatrice, metteuse en scène. De quoi donner le tournis et c’est peu dire avec l’arrivée de son nouvel album : Easy Alice.

Véritable album concept qui me tombe entre les oreilles ! A l’instar de Bowie, Easy Alice est à Liesa Van Der Aa ce que Ziggy Stardust est à celui-ci. Une alter ego  winner, speed, cynique et un brin schizo, là où le pays des merveilles est le monde actuel pas toujours très merveilleux.

L’album commence avec « Melody ». On n’a pas de mal à se dire que notre amie a écouté du Prince dans ses jeunes années. Une Funk déstructurée, complexe, euphorisante à souhait. Un groove impeccable, lumineux. Puis arrive « Inhale » et on déchante, ça s’assombrit façon atmosphérique troublante qui plonge dans une complexité mentale pas très nette voir inquiétante. Un assemblage qui fait mouche et une basse qui marque ce fameux groove qui t’aspire dans la spirale de la schizophrénie. Puis retour dans une candeur rose avec « Pink Haze » envoûtement certain mais toujours très complexe.

L’album semble être un assemblage quasi improbable aux couleurs funky et groovy mais avec des structures qui partent dans tous le sens. On serait tenté de dire que c’est un sacré bordel, mais pas du tout. Ça marche à merveille, on y devient même accro. Allez, on continue l’exploration !

On replonge dans la phase sombre avec « Coming Home » aux ambiances jazzy des années 30 qui côtoient un tempo hip-hop dépeignant un monde en perdition (du genre le nôtre ou d’un côté on fait des selfies avec Mickey et de l’autre on fait la guerre) puis « Helicopter » enfonce encore un peu plus le clou et plonge dans l’apocalypse et ce rubick’s cube musical qui me parle de plus en plus…

« Bruno » texte en français évoque une rupture sous des accents jazzy planants mais toujours sur une surface cabossée de sons qui déboulent de n’importe où et pourtant, on y flotte bien ! Et puis direction « Cynical Brother » le titre le plus rock de l’album, « Easy Alice » ballade bizarroïde et déstabilisante, presque inquiétante. « Maximum Joy » laisse passer les lumières d’une pop plus accessible et nous détourne aussitôt dans un jazz feutré, sensuelle, ambiance quasi cinématique et apaisante. « Easy Alice » se termine par « Ijstijd » tout aussi déroutant et ne te laisse pas indemne et tu te dis après cette écoute : « Là il s’est passé un truc ! ».

Liesa Van Der Aa a le don de déstabiliser. Loin des genres de musique que j’ai l’habitude de chroniquer, elle a su m’emmener vers des contrées inconnues, complexes, presque improbables tant ses assemblages semblent déstructurés pour au final former une vrai structure. Tout s’assemble avec une cohérence qui m’échappe parfois mais qui est réelle, qui devient « Easy ». On l’écoute, on le réécoute sans cesse et c’est de surprises en découvertes qu’on l’adopte, on l’addicte, on le « chef-d’œuvre ».

(chronique : Vincent Gaillard)

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