Le Helsinki Festival, le plus grand festival multi-artistique des pays nordiques (musique, danse, théâtre, cirque…) – et aussi le plus francophile ! – vient de révéler les premiers artistes musicaux de l’édition 2024 (du 15 Août au 1er Septembre 2024) ! Trépidation à l’annonce de la venue de Cat Power qui va recréer, chanson par chanson, l’un des concerts les plus célèbres et révolutionnaires de tous les temps, à savoir le concert de Bob Dylan au Royal Albert Hall de 1966 ! Frissons garantis ! On retrouvera également Angélique Kidjo qui fêtera ses 40 ans de carrière; la harpiste de jazz américaine Brandee Younger accompagnée du UMO Helsinki Jazz Orchestra ; l’Orchestre Symphonique de Cleveland qui jouera La Symphonie Fantastique; et (surprise !) on nous promet même une soirée acoustique avec… notre Carla Bruni nationale ! Plus une pléthore de groupes finlandais – tous plus cools les uns que les autres – et évidemment beaucoup de surprises encore à venir ! Mais en attendant de découvrir tout cela, replongeons dans la programmation musicale pour le moins éclectique du Helsinki Festival car l’Oreille à l’envers était à Helsinki pour vous faire partager quelques moments forts du dernier cru ! (Helsinki Festival 2023 – 17 Août au 3 Septembre 2023 – Helsinki – Finlande) (Report par Gwenaëlle Bauvois))
Difficile de faire un choix face à cette offre alléchante qui s’étalait sur trois semaines mais étant d’humeur aventureuse, j’ai d’abord choisi un artiste que je ne connaissais pas du tout et qui se trouve être français :
Pertubator. Derrière ce nom se cache le musicien James Kent. Comment qualifier sa musique ? Quelque chose entre la Dark Synth, la musique industrielle et le Cyber Punk. Sa première rencontre avec un synthétiseur Korg se fait à l’âge de 8 ans et ce fut le coup de foudre absolu.
Pertubator s’est intéressé dès le plus jeune âge au Thrash et au Death Metal, avant d’être initié au Post-punk et au Goth par sa mère, la journaliste musicale Laurence Romance. Bien lui a pris ! Après avoir joué dans divers groupes allant du Black Metal au Hardcore, Kent intègre le groupe de Death Metal progressif The Omniscient comme guitariste à l’âge de 17 ans mais prend en 2011 un virage electro avec son premier EP solo « Lost in Nebula » alors qu’il n’a que 18 ans. Ainsi est né Pertubator. Le musicien joue régulièrement dans les plus grands festivals de métal partout dans le monde et est connu par les fans de ce genre, comme cela était visible au nombre de Metalheads présents ce soir-là au Helsinki Festival. Mais Pertubator se trouve un peu dans un entre-deux musical : pas complètement métal mais assez pour jouer au Hellfest; pas complètement électro mainstream mais assez pour jouer aux Francofolies et à Beauregard. Ce soir-là, Pertubator est sur scène avec synthé et guitare électrique, accompagné uniquement d’un batteur. Il est plongé dans la pénombre et haché par des lumières stroboscopiques à donner une crise d’épilepsie. Tout vêtu de noir, il lève le poing et fait tourner ses longs cheveux sur ses rythmes implacables. Le son produit par Perturbator est d’une incroyable puissance, à faire trembler la tente toute entière, et l’on se sent comme aspiré dans un film de John Carpenter ou Dario Argento. Les morceaux s’enchaînent sans répit pour le bonheur d’un public enthousiaste qui fait allègrement le signe des cordes en hurlant. Comme il le dit lui-même, sa musique “n’est pas pour tout le monde” et on ne peut que saluer le Helsinki Festival pour programmer un artiste aussi pointu et s’adresser à public nettement moins généraliste qu’à l’accoutumée.
(©photo : David Fitt)
Changement de décor et de style avec
Víkingur Ólafsson, pianiste virtuose islandais, qui jouait les variations Goldberg de
Bach (ou Aria avec quelques variations pour clavecin à deux claviers pour le puristes). Chef d’œuvre enregistré par
Glenn Gould en 1981 New York. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si
Ólafsson est surnommé le Glenn Gould islandais. Déjà le lieu du concert est superbe :
la Musiikkitalo – La Maison de la Musique d’Helsinki – immense bâtiment de verre et d’acier avec une salle principale de 1 704 places dotée d’une acoustique de haute qualité.
Ólafsson, qui jouit de l’oreille absolue, nous a offert une prestation d’une beauté absolue.
(©photo : Ari Magg)
Après l’enchantement de Bach et l’ambiance feutrée de la Maison de la Musique, on se laisse aller à danser sans retenue (car impossible d’y résister) à la musique chaloupée, festive et pleine d’émotions du père de l’Éthio-Jazz :
Mulatu Astatke. Percussionniste de formation, Astatke commence à jouer professionnellement dans les années 60. Mais c’est grâce au succès de la collection Éthiopiques éditée sous la direction du musicographe et producteur français
Francis Falceto – et bien sûr celui du magnifique film de
Jim Jarmusch «
Broken Flowers » – qu’Astatke entame une inattendue seconde carrière internationale qu’il poursuit encore de nos jour, à l’âge de 80 ans. Le grand monsieur a la grâce de laisser de l’espace aux formidables musiciens qui l’entourent sur scène plutôt que de leur voler la vedette. Il se la joue modeste alors qu’il est impossible d’oublier le fait que c’est lui seul qui composé toute cette incroyable musique depuis des décennies. Un pur moment de joie avec cette musique chaude qui enveloppe la foule et lui donne le sourire.
(©photo : Petri Antilla)
Un autre vieux monsieur sur scène, c’est fois-ci
John Cale, le cofondateur d’un petit groupe à peine connu :
The Velvet Underground. En tant que seul membre original survivant du groupe, Cale pourrait gagner une retraite dorée en rejouant les vieux morceaux du Velvet Underground mais très peu pour lui. Il n’a d’ailleurs joué aucune chanson du groupe légendaire. Du passé, Cale fait table rase. A 81 ans, Cale n’hésite pas à se lancer dans des morceaux expérimentaux et à collaborer avec les artistes et producteurs alternatifs les plus en vogue du moment comme
Weyes Blood. Parmi ces collaborations contemporaines, seule la chanson titre produite avec
Laurel Halo a été jouée lors du concert à Helsinki. Cale n’a plus grand chose à prouver avec une telle carrière qui s’étend sur 55 ans et il prend du plaisir sur scène avec à ses côtés un excellent groupe pour l’accompagner. On ne peut qu’être admiratif devant cette énergie et cette curiosité artistique intactes.
(©photo : Petri Antilla)
Autre soir, autre ambiance. On revient vers un groupe un peu plus contemporain : les Anglais de
Nothing but Thieves. Leur nom m’était vaguement familier, sans plus. Sur album leur musique n’apparait pas d’une originalité folle au premier abord, disons gentillement plaisant mais sans le petit truc en plus qu’aurait
Foals, par exemple. Mais je dois dire qu’en live, Nothing but thieves ont offert une prestation de premier ordre. Déjà, le chanteur
Conor Mason – qui ne paye pas de mine – se révèle avoir une très belle présence scénique et une magnifique voix. Il est difficile de décrire pourquoi mais parfois un concert marche : la musique, le lieu, le public, l’atmosphère et l’interaction avec la foule, tous les ingrédients sont réunis et la magie opère. Ais-je découvert un nouveau groupe dont je suis tombée amoureuse ? Non, mais
Nothing but Thieves reste un excellent groupe qui mérite d’être vu et apprécié dans ce qu’ils font de mieux : la scène.
(©photo : Petri Antilla)
Dernier concert, de nouveau dans un style bien différent, la chanteuse soul et folk
Imany qui présentait son spectacle «
Voodoo Cello« . L’idée de départ de ce show est de reprendre des chansons pop –
Ed Sheeran, Cat Stevens, Donna Summer, Hozier, t.A.t.u., Elton John, Neil Diamond – accompagnés de violoncellistes. Au début, ça captive : tout est parfaitement chorégraphié et éclairé, les costumes créés par
Olivier Rousteing sont intrigants et
Imany est resplendissante. Et cela va sans dire, la dame sait chanter. Première chanson «
Asphalt jungle » de
Bob Marley, puis « Total eclipse of a heart » de
Bonnie Tyler, le tout est intéressant et retient l’attention. Mais au film du concert, ce pot pourri pop devient rapidement lassant et répétitif, et la reprise de «
Creep » de
Radiohead paraît un peu clichée. Après une standing ovation,
Imany a donné le plus long discours jamais entendu lors d’un concert. J’avais bien fait de rester assise.
(©photo : Saara Autere)
Le
Helsinki Festival se révèle toujours plein de surprises et on passe d’un style à un autre, d’une ambiance à une autre, comme nulle part ailleurs. L’éclectisme et la qualité – de la programmation ainsi que des lieux – font le grand charme de ce festival hors norme. Et bien sûr, l’Oreille à l’Envers sera là pour la prochaine édition afin de vous faire partager de nouvelles découvertes !
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