reportage

Voilà déjà 26 années que le festival Les Turbulentes, fabuleux festival des arts de la rue de Vieux Condé émerveille le public du Nord mais aussi de toute la France. Au fil du temps, cet événement est devenu une véritable référence et l’on vient de loin pour avoir sa dose de rêverie, d’émotions tendres et fortes ou encore de poésie et de féérie. Du 3 au 5 Mai 2024, les rues de la ville et le Boulon (centre national des Arts de la Rue et de l’Espace Public) ont accueilli une trentaine de spectacles à savourer gratuitement et le public a répondu présent malgré un temps assez maussade. Retour sur la journée du 4 Mai avec les spectacles « Tour de piste » (CRAC de Lomme), « Fleurir les Abîmes » (Claire Ducreux) et « Ourse » (Cie Bélé Bélé) / (LES TURBULENTES – 26 ème édition – Mai 2024 ) (Report du Samedi 4 Mai 2024 par Vincent Vince Picozine )

J’arrive sous une pluie battante et me dis que ce n’est pas de chance. Je suis venu sans programme précis, j’irai là où le hasard me conduira sauf pour la représentation de «Ourse» de la Cie Bélé Bélé prévue le soir même à 21h30 en espérant que la représentation ne soit pas annulée à cause de la météo. J’atterri au «Boulon» (Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public), un lieu magique qui sent bon l’Art et le Rêve pour m’abriter et j’entends qu’au fond de ce grand hangar il se passe quelque chose. Je m’approche pour assister aux fameux Tours de Piste du CRAC de Lomme (Centre régional des Arts du Cirque). Ce sont les élèves de 3ème année qui présentent leur numéro de sortie, avant de prendre leur envol vers la vie d’artiste. C’est un véritable éblouissement que de voir ces acrobaties, ces chorégraphies, jongleries. Le public est conquis par cette jeune génération venue de tous horizons relayer l’art du cirque et du spectacle. C’est sûr, la relève est assurée !

Alors que la pluie se fait toujours entendre, Claire Ducreux nous présente sa dernière création «Fleurir les Abîmes» dans l’espace de diffusion du lieu. Devant nous, une petite scène ronde ou se dresse un arbre plutôt frêle mais plein de douceur avec son nichoir à oiseau. A ces côtés une chaise du même vert que celui du feuillage de l’arbre et un petit coquelicot. Claire arrive lentement vers la scène, tout en douceur, aux gestes bienveillants et un tendre sourire. Elle s’approche de l’arbre et par un langage silencieux mélangeant la gestuelle corporelle et l’expressivité du visage, Claire nous emmène dans un moment suspendu. Elle invite des personnes du public à venir sur scène pour profiter de ce moment de douceur, de cette une ode à la lenteur, loin de cette réalité du monde ou tout doit aller vite, vite et encore plus vite. La bande son nous invite à la rêverie et à la méditation. «Fleurir les Abîmes» c’est de la joie, un brin de mélancolie et une grosse bouffée de résistance pacifique. Claire évolue en grimpant dans l’arbre avec tant de grâce qu’on dirait que celui-ci est une extension de son être, comme un ami, un confident qui l’apaise et la guide.

Je suis complètement absorbé par cette justesse de présence et profondément heureux d’assister à ce moment unique de poésie pure. Claire Ducreux est incontestablement une référence dans l’art du spectacle, celui que l’on dit vivant et qui par définition nous fait ressentir le vivant. Alors merci pour ce moment dont le public se souviendra longtemps en refaisant monter la douceur qui nous a été offerte.

En sortant de la salle, la pluie s’est arrêtée et laisse place à de beaux rayons de soleil. Après une balade sur le site ou l’on peut y admirer de belles œuvre éphémères plus étonnantes les unes des autres, arrive le moment d’aller voir «Ourse», une création de la Compagnie Bélé Bélé. « Ourse » est un spectacle en fixe qui se joue en extérieur entre chien et loup pour finir de nuit. On s’installe face à ce drôle de décor représentant des housses protège vêtements suspendus sur une dizaine de mètre à côté desquelles un ours assis sous un lampadaire attend. Puis une bande son se met en route et c’est un défilé de témoignages sonores sur le thème de la beauté qui s’écoule. Des personnes de tous horizons, âges, sexe… qui racontent leurs souvenirs de rencontre avec la beauté dans toute sa subjectivité, sa poésie, son émotion, sa bizarrerie.

Le spectacle commence et pendant plus d’une heure, « Ourse » vient convoquer le théâtre, la danse, la marionnette et la musique pour accompagner un travail plastique tant au niveau scénographique qu’au niveau des costumes. Le spectacle est écrit à la façon d’un fil qu’on tire et qui dévoile de manière surprenante et désordonnée, une succession de tableaux, de prises de parole, d’images tantôt absurdes ou fantaisistes, drôles ou tendres.

Les quatre artistes partent dans un véritable tourbillon de délire. Les housses beiges disparaissent au fur et à mesure du spectacle. Bélé Bélé profite de cette nouvelle profondeur de champs pour jouer avec les perspectives et mettre en évidence des éléments de décors naturels, ici un parking, la nuit. Des ourses et l’apparition de personnages fantasques, révèlent l’onirisme, la contemplation et la douceur… la beauté en somme. Car oui finalement ce spectacle n’en est pas moins qu’une quête de beauté qui se volatilise peu à peu dans un monde qui se laisse submerger par la laideur.

Chaque jour je repense à cette représentation, aux mots et aux images qu’elle m’a laissée : une canadienne qui chante au ukulélé, un ballet de jambes en plastique qui danse derrière des housses avec un brochet, une femme «barbe à papa bleue» entourée dans une écharpe de 10 mètres et qui offre celle-ci à une ourse, une star qui roule en tondeuse, la tête bandée et qui joue du mélodica, des Ourses en farandole sous un arc en ciel électrique de nuit…

Cela m’a évoqué de nombreux univers artistiques comme ceux de Jacques Demy, Jacques Tati, le Magical Mystery Tour, les BD « Philémon » de Fred et des ambiances à la David Lynch. C’était un magnifique voyage de beauté, déconnectant, troublant et bouleversant !

C’est avec toutes ces images, cette poésie, cette douceur que ce termine pour moi la visite aux Turbulentes 2024. J’aurai tellement souhaité en voir plus, alors je prends déjà rendez-vous pour l’année prochaine. Une fois de plus je prends conscience que ce genre d’événement nous apporte beaucoup et nous fait du bien. Merci aux artistes et aux Turbulentes pour tout.

(Reportage et photos  : Vincent Vince Picozine).

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