chronique

ANNA VON HAUSSWOLFF
/ Album « Live At Montreux Jazz Festival 2018 »
/ Sortie le 14 Janvier 2022

// La haute distinction de la musique est de transmettre des émotions, des visions, parfois dans une désintégration lexicale. Elle est une conversation dont les enregistrements sont des moments de vérité. Pour tout compositeur, il s’agit de développer une optique dont l’instrument (ou la voix) soit en parfaite unité avec le sujet et son résultat. La ligne courbe est le chemin le plus agréable entre deux points.

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La discographie de Anna Von Hausswolff est dans son ensemble d’une hétérogénéité à l’image de son parcours artistique. Initiée au piano, elle va trouver sa pleine expression au travers des orgues qui vont ouvrir de nouvelles perspectives vocales.

Le chant dégage une puissance émotionnelle dont la sincérité n’a que peu d’équivalents dans le milieu musical actuel. C’est à travers l’imagerie empruntée à la nature qu’Anna exprime des réminiscences suggestives de lieux. Une telle mélancolie avec des accentuations dans le phrasé a cette qualité tridimensionnelle que leur confèrent des tempos qui éclatent en mosaïques lyriques, chaque mot alimentant le suivant. Chaque accord est intrigant.

Dès son deuxième long format « Ceremony » paru en 2012 la thématique se concentre autour de la perte, de la rédemption. Par déduction, c’est le sentiment qui compte, poignant et à vif, accentuant l’aspect sépulcral, de fer rougi, comme un tableau animé de filaments circulaires s’imbriquant comme les pièces d’un puzzle.

Les textes ont cette vision holistique de la nature, accentuant l’aspect abandonné de lieux secrets, de jardins cachés où le moindre recoin est détaillé. « The Miraculous » incarne cet état de suspension présent tout au long du disque. On entre dans une nouvelle dimension. Accompagnée de Joel Fabiansson et Filip Leyman, Anna ouvre les portes de l’infiniment présent.

Cet Ars nova renoue avec les polyphonies et les harmonies baroques indissociables de l’architecture d’églises dont l’acoustique de résonance est primordiale. Pour amplifier le son de ces édifices, des amphores à col évasé avec une anse ou un bec, incrustés dans les murs, fonctionnent comme des caisses de résonance. Anna Von Hausswolff sensible à ces chambres d’échos se consacre alors à étudier les grands orgues, dont le souffle contenu dans les tuyaux, les mécaniques, véhicule l’âme de l’instrument, et restitue les fragments du passé dans une trame moderne proche de l’harmonie modale. Avec « All Thoughts Fly« , disque uniquement articulé autour de l’orgue, l’exploration des vibrations, des canons mélodiques, Anna élargit les possibilités de cet instrument divin pour emprunter des sonorités jusqu’ici insoupçonnées.

La récente parution du « Live At Montreux Jazz Festival » restitue cette atmosphère majestueuse, arcanes d’un requiem échafaudé durant plusieurs années. Pierre angulaire d’une discographie ascendante, la description des 6 pièces contenues dans ce disque ne suffit évidemment pas à en décrire l’ambiance, chaque morceau semble littéralement naître l’un de l’autre. Anna Von Hausswolff est une orfèvre, usinant minutieusement chaque sonorité comme un artisan dans son atelier. En exprimant une conscience aiguë du réel vers l’imaginaire, elle réussit l’incommensurable exploit de sublimer une musique en apparence formelle, pour en créer de multiples dimensions. Comme le reflet d’un miroir, lire à l’envers en parlant de soi est une façon de décrire le monde dans sa globalité.

Anna Von Hausswolff accompagnée de son groupe repart en tournée Européenne, deux dates sont prévues en France dont un passage à Montpellier dans le cadre du festival Ex-tenebris lux le 06 Octobre 2022, un rendez-vous incontournable.

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