Reportage Rock en Seine Day 1 – 25 août 2022

Enfin de retour après deux années à tenter d’échapper au COVID-19, le festival francilien revient avec quatre journées de soleil, de poussière, de musique rock, électro et festive et avec une affluence qui n’a de cesse de faire parler d’elle. Retour sur la première journée placée sous le signe de l’Union Jack et de St Patrick. Crédit photos Laetitia Mavrel
 
 
19 années d’existence, dont deux blanches que nous venons tous de vivre du fait d’un petit virus taquin, et revoici Rock en Seine paré de ses atours majestueux au Domaine de St Cloud, aux portes de Paris. Festival français parmi les plus renommés, ayant gagné ses galons de petit mastodonte au fur et à mesure des années à coup de bouche à oreille, d’extension et de rachat par certains groupes de presse, le petit poucet à bien grandit depuis 2003 et trouve dignement sa place parmi les plus grands raouts estivaux européens.
Et comme pour rattraper le temps perdu, c’est une édition initialement composée de 5 jours (avec un lundi de repos inclus) qui devait se dérouler dans l’ouest parisien. Un chanteur de Rage Against The Machine qui dégringole d’une scène et une patte cassée plus tard, c’est finalement du jeudi 25 au dimanche 28 que se dérouleront les festivités, regroupant des artistes aux styles divers et variés, mais avec toujours ce pendant rock qui fait l’identité du festival.
 
Parmi de nombreux remaniements structurels et organisationnels (nouvel emplacement de la scène Bosquet alignée en rang d’oignon avec la scène Firestone , laissant le côté de la fontaine aux buvettes et autres stands à visée commerciale pour sponsors de luxe, choix de boissons locales tant pour la bière que les softs drinks, sortie unique niveau Boulogne même en toute fin de journée …), la polémique qui n’a pas encore fini de faire du bruit est l’apparition d’un Golden Pit, ou accès à un carré or en fosse face à la grande scène pour quelques dizaines d’euros en plus. La problématique venant du fait que le carré scindant en deux la fosse sur un 1/3 de sa capacité, son taux d’occupation quasi nul sur une bonne partie de la journée n’est pas allé dans le sens d’une foule harmonieuse.
Affichant trois journées sold out sur les quatre, le festival débute donc en ce jeudi 25 avec une programmation faisant la part belle à la scène indie et post punk britannique, pour notre plus grand plaisir et celui d’une masse d’anglais ayant fait le déplacement à cette occasion.
 
Dès 16h s’enchainera sans temps mort une liste de groupes tous déjà passés par l’hexagone et qui sont à ce jour des valeurs sûres dans le domaine du rock british. En plein soleil, Yard Act et leur leader intello punk James Smith entament les hostilités sur la scène de la Cascade face à un parterre de fans déjà conquis. Toujours dotés de leur excellent premier album The Overload, dans la dernière ligne droite d’une tournée marathon qui les a menés depuis l’été 2021 à de multiples reprises au Royaume Uni, en Europe et aux États Unis, le quatuor de Leeds ne semblent pas affecté par les kilomètres ou les miles cumulés.
James Smith déverse sa gouaille du Grand Manchester et ses paroles cyniques et drôles avec une énergie décuplée en comparaison avec la prestation du mois de juin au Trabendo. Pourtant uniquement doté de 35 minutes de set, c’est une farandole de tubes qui s’enchainent dont les percutants Dark Days, The Overload, Rich ou Land Of The Blind. La guitare fiévreuse de Sam Shjipstone et la basse envoutante de Ryan Needham sont le parfait ying au yang du chant cathartique de James Smith qui n’a pas encore terminé de nous épater.
 
Yard Act
Yard Act
 
Sur la grande scène s’enchaine le concert très attendu de la sensation néo punk anglaise Yungblud, qui a drainé (du moins dans une moitié de fosse) un public de fidèles très jeunes et très excités. Comme une version plus affutée mais tout aussi théâtrale d’un Marylin Manson FM compatible, Yungblud déambule sans cesse à grand coup de cris, de grimaces, de sauts et de gentils doigts d’honneur, fidèle à sa réputation de troublemaker mais néanmoins très dévoué à son public en le remerciant vivement de sa présence.
En parallèle et dans un autre registre, les Irlandais de NewDad offrent à l’opposé du site sur la scène Firestone une pop folk très ancrée dans le registre des années 90. Biberonnée au son de cette décennie, la jeune Julie Dawson offre 40 minutes d’indie rock de très bonne facture et reste un peu timorée face à cette petite foule compacte. Mais les encouragements du public offrent en retour une belle cascade de sourires et l’on sent que petit à petit, l’oiseau fera son nid.
 
Yungblud
NewDad
 
De retour sur la Cascade, nous restons sur les terres fertiles de la belle Irlande avec Inhaler, jeune formation dublinoise de pop rock qui avec son premier album It Won’t Always Be Like This paru cette année a convaincu les plus réticents face au syndrome du « fils/fille de ». Car pour celles et ceux qui l’ignorent, Elijah Hewson se trouve être le fils de Bono. Rien que ça.
Et pourtant, ce dernier a bien dû, comme son père avant lui, faire ses preuves. Après plusieurs scènes en France dont deux parisiennes entre 2020 et 2022, le groupe a nettement évolué et semble s’épanouir harmonieusement aujourd’hui. Les chiens ne faisant pas des chats, c’est un vrai frontman que nous retrouvons sur scène face à un public largement acquis (beaucoup de pancartes et autres goodies et paillettes en l’honneur du jeunes chanteur). Ce dernier aura réussi à convaincre les plus sceptiques des spectateurs et la fosse pleine de la Cascade en cette toute fin d’après-midi en est la preuve.
 
Inhaler
Inhaler
 
Une nouvelle traversée du site et nous rejoignons la grande Scène avec les fidèles IDLES, devenus des habitués de Rock en Seine et ayant gravis les échelons petit à petit s’agissant de la taille de la scène. C’est aujourd’hui enfin en headliner que la bande à Joe Talbot revient, et malgré une tournée elle aussi sans fin et deux dates consécutives explosives à Paris en mars dernier, l’énergie ne s’est en rien distillée. Plus les scènes s’élargissent, plus les Anglais se répandent et déploient leur puissance punk dévastatrice du premier rang au festivalier le plus éloigné, à plusieurs centaines de mètres de là. Ici, l’effet contre-productif du golden pit est à déplorer, ce dernier étant outrageusement vide au ¾ et s’attirant ainsi la moquerie de la part du groupe qui focalisera toute son attention sur la partie compacte de la foule. Cinq années et quatre albums plus tard, l’ennui ne semble pas encore poindre avec IDLES, pour notre plus grande satisfaction.
 
IDLES
IDLES
 
Le défilé des gros noms continue avec le set très attendu de Fontaines D.C. à la Cascade. Voilà un groupe pour qui le terme « marathon » prend tout son sens. Littéralement en tournée non-stop depuis 2019 et leur 1er opus Dogrel, les dublinois ont réussi l’incroyable challenge de composer deux autres albums A Hero’s Death (2020) et Skinty Fia (2022) sans jamais perdre une once de qualité en chemin. Le tout en se produisant littéralement sur plusieurs continents. Ainsi, à la suite d’une très grande prestation à la Route du Rock une semaine auparavant et lors de leurs nombreuses dates en France au printemps, Grian Chatten et ses comparses continuent d’exécuter leur post punk militant et raffiné avec ce qui ressemble à plus de maturité. Sans perdre la fougue qui leur est propre, on sent chez les musiciens et en particulier chez leur chanteur que l’expérience acquise tout au long de ces années a été mise à profit. Plus de confiance donne ainsi un set carré, puissant et d’une totale efficacité.
 
Fontaines D.C.
 
Puis, petit à petit, la foule déserte la place pour se masser au pied de la grande scène pour la première tête d’affiche du festival et pas des moindres : Arctic Monkeys. Le retour de la bande à Alex Turner à St Cloud est attendu et a mené il y a de cela déjà quelques semaine le festival à compléter sa première journée. Plus de 30 000 spectateurs assistent ainsi au retour du groupe de Sheffield et de son leader qui écrase de sa personnalité tout le reste des musiciens. Et c’est peut-être ici que le bât blesse : depuis 2006 et à la suite des différents side-projects d’Alex Turner, la lumière ne rejaillit que sur lui et on sent que l’harmonie à sensiblement disparue sur scène. En mode crooner un peu boudeur mais au moins débarrassé des atours 50s, Alex Turner offre une setlist qui vient déterrer quelques raretés mais semble rouler en automatique. Les fans présents aux premiers rangs depuis l’ouverture du site ne sont eux pas déçus et l’accueil du public français est à la hauteur des attentes d’un Alex Turner qui reste un des meilleurs songwriters dans la catégorie rock anglais de ces 20 dernières années.
 
 
Un choix plutôt facile à la vue de ce qui ressemble à une thématique « rock briton » en ce premier jeudi qui ne nous a pas fait faire de découvertes mais nous a conforté dans notre choix largement assumé du rock de sa majesté (et son île voisine qui rappelons-le n’est pas sujette de l’empire britannique).
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