interview

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La formation New Yorkaise Gogol Bordello sévit depuis déjà plus de 10 ans sur les scènes internationales proposant une musique débordant d’énergies mélant culture tzigane et punk US. Une interview d’Eugène Hütz, fondateur et leader « dynamite » du groupe, juste avant leur prestation déjantée du 17 décembre 2008 au Splendid de Lille.

La naissance de Gogol Bordello. Comment a débuté cette aventure ?

Avant de partir pour New York il y a 10 ans, j’avais déjà une expérience vocale au sein de divers groupes et une vingtaine de chansons à exploiter. Après quelques années en Amérique, j’ai constaté que l’essence de mes racines Européennes de l’Est commençait à s’évaporer et que celles ci me manquaient. Au sein d’un groupe, je pouvais renouer avec elles mélant la tradition et le rock, ouvrant de nouvelles portes pour l’avenir.
Aussi, ce vide ressenti j’ai pu l’évacuer grâce à ma musique, mes chansons, qui n’étaient pas à proprement parler populaires mais sonnaient plutôt rock / rockabilly. A New York, j’ai rencontré des musiciens issus de diverses communautés – Balkans, Russie, Israël … – ensemble, nous avons élaboré différents projets et au bout de quelques années, la formation s’est consolidée telle un « Man Peace Band ».

Pourrais tu vivre dans un monde sans musique ?

Non je ne pourrais pas. Dans ma famille, ils sont artistes ou ont un rapport privilégié à l’Art. Certains ont une certaine notoriété comme l’un de mes oncles, peintre reconnu en Ukraine et Directeur Artistique d’un magazine spécialisé en Art. J’ai grandi dans son univers, me plongeant dans les livres d’art, me délectant de filles nues – En Ukraine, le nu s’exposait à l’époque en tableaux de Van Eycke, Van Dyck !! Il m’a beaucoup influencé, m’a donné l’envie de dessiner…Peut-être deviendrai-je peintre ? Dans ma famille, un oncle était acrobate de cirque et mon père, musicien doté de dons pour la comédie. Je pouvais devenir comédien…Toutes ces influences, ces différentes voies s’offraient à moi… Mais une chose, une seule chose, quelquechose qui prenait le pas sur tout le reste, était indubitablement la musique. Plus que tout, elle était ma Voie. Écrire, composer, jouer de la musique, essayer de me reposer et se réveiller en musique, toujours présente, toujours et encore. Je vis avec la musique, je fonctionne avec elle. Ma vie n’a de sens qu’avec la musique.

Musique et Politique. Penses tu que la musique soit un bon moyen pour exprimer ses idéaux ou des opinions politiques ?

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Je n’ai pas d’affinités avec la politique mais bien sur j’y ai pensé, il est impossible de faire sans. Je ne m’intéresse pas à celle qu’on nous propose, celle qui nous est montrée dans les actualités, c’est toujours les mêmes choses et toutes les tendances se ressemblent. Je n’en ai rien à faire. Je me sens plutôt attiré par l’Utopie je pense, pas au sens social du terme, plutôt tout ce qu’on trouve dans les livres d’anthropologie, les peuples indigènes, les communautés, les penseurs utopistes…
À travers la musique, je retrouve cette essence communautaire. Avoir son propre groupe, une façon de vivre ensemble qui nous est propre et qui nous rend vraiment heureux, même si comme pour tout un chacun il y a des hauts et des bas mais je pense qu’ensemble, nous vivons vraiment un vrai bonheur. Nous sommes unis par la musique.

Idéaliste ?
Non, je ne pense pas, un idéaliste pense simplement sa vie, moi je la vis.

Penses tu que le monde actuel se transforme de lui-même, évoluant vers un retour à des valeurs plus humaines ?

Cela doit être ainsi. Évidemment je crois en une révolution, c’est ce qui est en train de se passer. Le monde change très vite. Je savoure cette transformation, l’âge révolu de l’immobilisme où toutes les vieilles bases s’effondrent. Passons à d’autres choses, d’autres directions !
Cela doit être et le sera ! Il y a déjà quelques indices qui montrent ce changement. Une recherche du naturel, la volonté des gens à revenir aux sources, retrouver leurs racines, l’art, la culture, les habitudes qui changent et même la façon de s’habiller. Je ne pense pas qu’il s’agisse juste de marketing, de commerce, c’est quelquechose de voulu, de conscient. Nous nous sommes éloignés de nos racines et à présent il y a un véritable engouement à vouloir les retrouver. Les valeurs matérielles ont montré leurs limites, la pensée unique, les langages et codes communs, banalisés, le confort matériel qui n’offre plus grand chose si ce n’est des disparités sociales. Les valeurs matérielles s’effondrent au profit d’un retour à des valeurs humaines retrouvées. À présent, la balance tend à pencher de l’autre côté.

Pour les Gitans, le Monde ne connaît pas de frontières. Crois tu en un monde où les peuples vivront en harmonie avec leurs « différences » ?

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C’est une vision idéale du Monde et cela est possible. Le principal obstacle reste la dictature financière aux mains de quelques uns. Il y a assez de ressources, de richesses pour tous. Si les communautés étaient plus petites, cela faciliterait le libre échange et la croissance redémarrerait sur des bases saines -je parle ici comme un anarcho syndicaliste de base-, il n’y a rien de nouveau en fait pour changer les choses mais personne n’essaye vraiment. Ce serait pourtant si simple.

« The Pied Piper of Hützovina », peux tu nous parler de ce documentaire sur la route de tes racines ?

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Pour Pavla, la réalisatrice, ce fût une expérience toute neuf. De mon côté, je savais où aller, où l’emmener. Je savais exactement ce que je faisais, ce que je voulais lui faire découvrir, ces lieux où cohabitent désolation et joies. C’était une bonne chose de faire ce film car peu de gens se préoccupent des conditions de vie de ces peuples. Un autre monde sur cette planète.

Pour les résidents de l’Ouest, l’Europe de l’est est souvent perçue comme un territoire où se côtoient pauvreté, déprime, maladies, dictatures et désastres d’importance comme l’exemple de Tchernobyl. Avons-nous une mauvaise vision de ces contrées ?

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Je ne sais pas si les gens de l’Est sont toujours tristes, je pense que si tu vas dans le métro parisien à 10h du matin, tu trouves des gens encore plus tristes. Je ne sais pas pourquoi, peut-être trop de bon vin bu la veille ?

Oui, c’est la vision qui est montrée. Les peuples de l’Est, comme en Amérique, ont une âme guerrière, ils sont plus robustes face à la vie, n’abandonnent pas facilement face aux rudesses de la vie. Ils ont un certain sens de l’humour qui les caractérise, c’est leur manière de se battre. Ils ne se prennent pas au sérieux, ne se prennent pas la tête avec les préoccupations de la vie moderne et sont évolués surtout sur le plan spirituel. Ils n’ont pas du tout la même façon de voir les choses.

Retour sur Gogol Bordello… Le dernier album fraîchement sorti s’intitule « Super Taranta ». Pourquoi ce titre ?

Le titre est construit à partir du mot italien Tarantella, la musique traditionnelle Napolitaine. J’ai toujours aimé l’Italie pour sa culture musicale, historiquement elle est la capitale mondiale de la musique. Ce pays est une vraie mine d’or, une source d’inspiration pour le recherche de nouvelles mélodies. J’ai donc commencé à emprunter des rythmes et des intonations issus de la Tarantelle, étudié son histoire et j’y ai trouvé les qualités que je recherchais dans la musique. La Tarantelle trouve ses origines dans la rue, elle a une dimension mystique et sexuelle car selon la légende elle servait à mettre les femmes en transe. J’ai toujours été attiré par les qualités hypnotiques de la musique, c’est pour cette raison que Jimmy Hendrix reste un des mes musiciens préférés. Notre groupe n’est pas uniquement ukrainien, il est plutôt transcontinental. La musique ne doit pas être uniquement ukrainienne – ou italienne, ou brésilienne – ce qui compte ce sont les racines.

-> Site : http://www.gogolbordello.com

-> Facebook : facebook.com/gogolbordello

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