reportage

On peut souvent lire ou entendre que Joy Division était le groupe qui avait inventé la New-Wave. Je ne sais trop quoi penser de cette affirmation. À mon sens, je pense que les choses se seraient passées à peu près de la même façon si ce groupe n’avait pas vu le jour. Mais une chose est sûre, c’est que leur héritage reste encore à ce jour, soit plus de 40 ans après, un véritable monument de l’histoire du rock.(Peter Hook & The Light : Joy Division a Celebration – L’Aéronef, 12 mai 2022.) (Report par Vincent Vince Picozine)


(©photo : Vincent Gaillard)

À la mémoire de …

Joy Division était un groupe qui n’a existé que deux ans, de 1978 à 1980, un peu plus si l’on considère leur premier nom « Warsaw ». Autant dire que c’était un petit groupe issu de la banlieue de Manchester, Salford, endroit très pauvre, très défavorisé et très industriel. Un petit groupe comme il en existait des centaines un peu partout, des gens qui avaient grandi en écoutant Bowie, Iggy Pop, Velvet Underground, Can …etc. et qui tous se sont révélés après avoir vu la déferlante Sex Pistols.

Alors bien sûr, parmi tous les groupes de cette époque, même éphémères, beaucoup ont laissé de bons titres et même de bons albums. Certains ont fait carrière, sont devenus légendaires, tout aussi influents que Joy Division, d’autres n’ont fait que passer et ont marqué aussi leur époque. Époque que l’on nommera post-punk et qui fait encore tourner le rock aujourd’hui.

Pourquoi alors Joy Division, ce groupe composé de quatre gars âgés d’à peine plus de vingt ans, sachant à peine jouer de leur instrument comme bon nombre d’autres groupes influencés par la vague punk a t’il pu devenir une telle légende et la référence ultime d’un mouvement musical ?

Je pense que comme bien souvent les choses révolutionnaires arrivent toujours par accident, par hasard. Ici c’est bien sûr la rencontre de Bernard Sumner (guitare) et de Peter Hook (basse) qui souhaitaient former un groupe et sont partis chercher Stephen Morris (batterie) et Ian Curtis (chant). Quelques éléments qui ont fait l’alchimie, là où chacun y avait apporté sa pincée de magie. La façon de jouer de Peter Hook sur sa basse qui prenait la place du solo de guitare, le frappé nerveux de Stephen, les effets et rythmiques de Bernard et bien sûr, la voix de baryton de Ian et ses textes qui sortaient du côté punk, qui avait tendance à dire  « j’emmerde la société », pour exprimer des choses beaucoup plus profondes comme « je m’ennuie dans la société ». Et puis il y a eu la production de leur premier album « Unknown Pleasures » par Martin Hannett qui a littéralement transformé les sons du groupe en y ajoutant des ambiances ce qui a eu l’effet d’une bombe et une véritable révélation pour le public. Tout s’est accéléré et ce petit groupe de banlieue est devenu en un claquement de doigt la référence d’une nouvelle vague.

Et la disparition brutale de Ian Curtis le 18 mai 1980 a mis un point final à Joy Division et ce succès incontournable que la sortie de « Closer » viendra confirmer deux mois plus tard ainsi que le titre «  Love Will Tear Us Apart ».

Joy Division est un des groupes que j’écoute toujours avec admiration et sans lassitude au fil du temps. Il représente une sorte de nébuleuse que l’on n’atteindra jamais, qui reflète une époque de renouveau dans l’histoire du rock et quelque chose qu’on ne verra jamais car groupe mort-né. Il y a eu ensuite New Order qui n’a de liens avec Joy Division que leur premier album et un ou deux titres épars. Ensuite c’est autre chose, une autre histoire dont je n’arrive pas à faire le raccord.

La lumière…

En 2006 Peter Hook quitte New Order et, fort attaché à la mémoire de Ian Curtis, il décide de rejouer l’intégralité des titres de Joy Division sous la formation de Peter Hook & The Light. C’est ainsi peut être l’occasion de pouvoir toucher du doigt cette chose inatteignable.


(©photo : Vincent Gaillard)

En 2020, pour les 40 ans de la disparition de Ian Curtis, une tournée est programmée et celle-ci passera par la France, et notamment à Lille. L’occasion était immanquable … sauf en cas de pandémie mondiale. La tournée est reportée 2 fois pour enfin avoir lieu en 2022. Et c’est le 12 mai dernier que l’événement à enfin lieu à l’Aéronef, cette salle mythique qui m’a offert de voir tant de concerts de dingue et même souvent improbables et inespérés…Et celui de Peter Hook & The Light en fait partie.

La tournée s’intitule : « Joy Division : A Celebration ». Celle-ci s’annonce comme la performance de l’intégralité des deux albums « Unknown Pleasures » et « Closer ». J’arrive à l’Aéronef et déjà une foule attend à l’entrée de la salle. Un public de tous âges confondus, certains viennent même de loin pour participer à l’événement. Les T-shirts à l’effigie de Joy Division sont de sortie et on peut même en voir deux ou trois de Buzzcocks (groupe avec qui Joy Division partageait souvent la scène).


(©photo : Vincent Gaillard)

La salle est pleine, une musique quasi cinématique introduit l’arrivée imminente de Peter Hook. Et puis le voici avec son groupe. Acclamation démentielle du public. Peter s’installe sur un tabouret armé d’une basse 6 cordes customisée très rock et entame un titre instrumental de New Order, «Elegia » qu’il avait écrit en hommage à Ian Curtis. Intro parfaite et émouvante. Puis d’autres titres de New Order suivent. Je me demande si le thème de la tournée n’avait pas changé car aucun titre de Joy Division ne passe. L’ambiance est excellente, les titres sont efficaces. Je me souviens entre autre de « The Him » également écrit pour Ian, les célèbres et incontournables « True Faith » et « Blue Monday ». 6 ou 7 titres de New Order sont joués puis le groupe quitte la scène pour un petit entracte. Et là je comprends que le concert se déroule en plusieurs sets.


(©photo : Vincent Gaillard)

Quelques minutes plus tard, le groupe revient. L’ambiance de la scène a changé et d’une ambiance coloré de bleu, de rouge on passe à quelque chose de plus monochrome de couleurs froides, de blanc et de jaune. Et commence alors « Disorder » ! Ça y est, on y est ! Et aux fans que nous sommes, l’instant est grand car les deux albums géniaux de Joy Division vont être joués. 10 titres pour « Unknown Pleasure » et 9 pour « Closer ». La voix de Peter Hook passe très bien, l’instrumentalisation parfaite et joué pour du vrai live. J’entends par là que ce n’est pas seulement qu’une interprétation à la note près des morceaux. Chaque titre vit pour la scène et certaines versions sont hallucinantes ! Mémorable « Day of the Lords », « New Dawn Fades », « She’s Lost Control », « Shadowplay », «  I Remember Nothing »… je pourrais tous les citer tellement c’est bon. Peter Hook à une vraie prestance scénique, très rock et humble. Les titre de « Closer » s’ensuivent et l’effet est le même, un grand moment jusqu’à la beauté ultime de «  The Eternal » et «  Decades ». Des titres rares en live. J’avais déjà eu l’occasion de voir certains groupes reprendre un titre de Joy Division, je me souviens de la version de « Transmission » par Bauhaus, le « Dead Souls » de Nine Inch Nails, mais ce sont toujours les tubes qui sont repris. L’initiative de l’intégralité des albums est géniale car on a vécu une partie de l’histoire du rock par l’un de ses auteurs.

Et puis quelques cadeaux supplémentaires et incontournables pour finir en apothéose avec « Dead Souls », « Digital », « Transmission » et bien sûr « Love Will Tear Us Apart ».

Le public était comblé d’émotions, avec le sentiment d’avoir vécu un grand moment et un bel hommage à un homme, un groupe et une époque.

Pour ceux qui voudront en savoir plus sur ce merveilleux groupe, outre le fait d’écouter l’intégralité de leurs titres. Il existe 3 livres indispensables :

« Ian Curtis & Joy Division Histoire d’une vie » de Deborah Curtis la femme de Ian ou celle-ci fait revivre l’homme plutôt que le chanteur. Le livre contient aussi l’intégralité des textes écrit par Ian Curtis dont des inédits en version anglaise et traduites en français.

« Unknown Pleasures, Joy Division vu de l’intérieur » de Peter Hook. Excellent témoignage en toute simplicité et avec humour d’un des fondateurs du groupe. Très bien écrit, se lit facilement et d’une seule traite.

« Le Reste n’était Qu’Obscurité » de Jon Savage. C’est moi préféré ! Il contient les témoignages des protagonistes de l’époque et des membres et entourage de Joy Division. Cela suit chronologiquement la vie du groupe mais c’est aussi un très beau document sur l’époque et l’histoire de la musique et du rock à la fin des années 70.

Quelques concerts de Joy Division sont sortis et sont disponible en vinyle. Les plus intéressants sont « Live at Les Bains Douches » seul concert donné par le groupe en France et « Live at Town Hall » qui en plus du concert, contient des versions Sound check.

A voir le film d’Anton Corbijn « Control ».

Enfin plusieurs concerts de Peter Hook & The Light sont également disponibles en cd et vinyle.

(chronique et photos par Vince Picozine)

-> Site : https://peterhookandthelight.live/
-> Facebook : https://www.facebook.com/peterhookandthelight

Share

Vous aimerez aussi...